Remarques critiques sur le livre de Kristin Ross : Mai 68 et ses vies ultérieures
Ce livre a été très bien reçu dans les milieux d’extrême gauche, mais aussi dans les milieux de la critique radicale (gauche communiste ou mouvance libertaire1), ce qui est plus étonnant.
Sans doute, son aspect relativement documenté alors que la plupart des livres sur 68 sont d’une grande pauvreté de contenu et le fait que l’auteur soit favorable au mouvement, ont joué un grand rôle dans le fait qu’il serve finalement souvent de référence à des individus assez différents. De plus sa volonté de ne pas s’en tenir à l’événement mais de se préoccuper de ses « vies ultérieures » a donné l’impression qu’elle dévoilait le contenu politique de Mai enfoui dans sa mystification culturelle et médiatique dominante. A ce niveau, son livre est daté car même s’il est relativement récent, il répond en fait aux commémorations d’enterrement qu’on a connu en 1998. Or, Sarkozy, tel un apprenti sorcier, a fait resurgir ce contenu politique et les enjeux actuels des questions alors soulevées. L’important n’est donc pas de dégager et d’étudier les vies ultérieures de 68 car elles ne livrent pas forcément la vérité sur le sens initial du mouvement et le niveau de crise systémique qu’il a dévoilé et auquel il a contribué.
Mettre au premier plan « les vies ultérieures », plutôt que l’événement lui-même2 revient à diluer cet événement dans les interprétations plus ou moins intéressées et finalement à ne le considérer que par rapport à ce qu’il est devenu. A la limite, c’est ce point de vue qui fait condamner toute expérience réelle de la révolution dans les formes de sa dégénérescence : la révolution française, c’est la Terreur, la révolution russe c’est le bolchévisme, la révolution espagnole c’est le gouvernement républicain etc.
Sur un mode moins théorique et plus médiatique, la critique de l’arrivisme de certains participants au mouvement ou la dénonciation d’une « récupération » du mouvement ne représentent qu’une condamnation d’ordre moral qui ne dit rien de plus sur l’époque. Que pour certains, de par leur origine sociale, cela fut un devenir prévisible ne signifie pas que leur attitude ne soit que le produit d’une course au pouvoir. Elle procède parfois d’une volonté de ne pas céder à l’inéluctabilité de la défaite en essayant de « sauver les meubles ». C’est toute la différence entre une époque qui voit la dynamique du capital inclure « la récupération » des événements dans son procès de totalisation et les époques précédentes qui ont cherché à réaliser leur anéantissement (la contre-révolution succédant à la révolution). Comme la critique menée par le mouvement de 68 a été globale et a révélé la globalité du capitalisme, on lui fait aujourd’hui tout endosser en oubliant ce qu’étaient ses objectifs et le contexte dans lequel il intervenait3.
Si on y regarde de plus près, on peut dire que le livre de Ross exprime le point de vue du gauchisme sur le mouvement.
Ainsi, à partir de sources essentiellement maoïstes et/ou tiers-mondistes, elle va mettre l’anti-impérialisme en source principale de Mai, ce qui est absolument inexact comme nous pensons l’avoir montré dans le livre. D’ailleurs, même dans ce champ d’intervention, on peut dire que les années 68 dans le monde ont bien plus été des luttes contre la guerre et pour la paix que des luttes anti-impérialistes classiques comme celles du début des années 60. C’est cet aspect anti-guerre qui a bouleversé le champ politique traditionnel de l’extrême gauche en levant l’hypothèque d’une lutte anti-impérialiste profitant en fait à un autre camp anti-impérialiste. En cela la lutte anti-guerre gagnait en universalité ce qu’elle perdait en clarification politique et nous pouvons dire que les courants libertaires ont eu un rôle important dans cette inflexion du combat « anti-impérialiste ». A l’inverse, ce sont les groupes gauchistes qui vont mettre l’accent sur la lutte anti-impérialiste et particulièrement contre l’impérialisme américain, qui vont insister sur la nécessité de défendre les luttes de libération nationale et leurs dirigeants tous plus ou moins staliniens4.
Ross puise aussi ses références aux éditions Maspero qui, justement, ont été les éditions du gauchisme, plus particulièrement tiers-mondiste, en indiquant en outre que ces dernières publient « tout ce qui comptait » à l’époque5 (elle cite comme exemple Lire le Capital d’Althusser, et aussi Balibar et Rancière6). Fi donc des Grundrisse chez Anthropos, de Marcuse et Lefebvre aux éditions de Minuit, de Debord et Vaneigem chez Buchet-Chastel et Gallimard. Peu importe aussi le travail de redécouverte de la revue Socialisme ou Barbarie et des Cahiers Spartacus par la librairie La Vieille Taupe spécialisée dans l’exhumation de vieux textes de la gauche communiste. Un travail de fourmi, mais qui, le moment venu, permettra d’inscrire dans la pratique le refus de toutes les bureaucraties, qu’elles soient « révolutionnaires » (Chine, Cuba) ou syndicales ; de questionner les formes diverses de la démocratie, des conseils, de la gestion ouvrière, de l’autogestion.
Page 89, on apprend donc que les « damnés de la terre » ne sont autres que les Mao, Hô Chi Minh, Giap, Cabral plus le « Che » et p.86 elle cite aussi Vergès et son « Front uni anti-impérialiste » groupé autour de pays en lutte, qui remplacent heureusement la tragique figure de l’ouvrier de fabrique, éternel battu des luttes de classes. Il ne s’agit pas ici de nier la force de ces idées, à l’époque (en plein développement de l’idéologie tiers-mondiste), mais de montrer qu’elles sont décalées par rapport aux idées de Mai7, qu’elles représentent plus celles de la période précédente. Si ces luttent peuvent engendrer un terreau militant plus fertile, ce n’est pas lui qui produit l’événement.
En fait, ce que fait Ross ici, ce n’est pas une histoire des prémisses de Mai, mais une histoire des prémisses du gauchisme pour qui Mai n’est justement pas très important. L’important est ailleurs comme le disait Goldman quand on lui demandait son avis sur Mai 68 et il partira vers cet ailleurs, comme Debray et d’autres, ou alors Mai 68 n’est qu’une étape, une répétition générale comme le pensent les trotskistes de la jcr dont une des bases est justement la librairie Maspero.
Ross est sans doute de bonne foi, mais elle paie sa méconnaissance du mouvement et le choix limité de ses sources. Un exemple : la seule mention qu’elle fait des luttes italiennes de la Fiat en 69, c’est pour dire qu’y fut repris le slogan, de source pro-chinoise, « le Vietnam est dans nos usines » (p. 17), alors qu’elle ne mentionne pas le slogan autrement plus significatif du mai rampant italien exprimée à la Fiat : « Ce que nous voulons : Tout ». Or, ce tout, tout de suite est une expression de l’intensité avec laquelle fut vécue une lutte dont certains des protagonistes ont cherché à se débarrasser de tout le fatras des « conditions objectives » du rationalisme révolutionnaire.
Du simple fait que les organisations gauchistes aient joué le rôle de médiation entre des comportements de révolte individuelle contre l’ordre établi et des pratiques collectives anti-capitalistes, Ross en infère que le gauchisme c’est le mouvement. Alors que dans les faits, le gauchisme n’a effectué qu’une transmutation des besoins du nouveau mouvement en exigences socialisées par le vieux mouvement communiste troisième internationaliste. Le succès particulier des deux groupes gauchistes principaux, le groupe trotskiste de la jcr d’un côté, le groupe pro-chinois de l’ujcml de l’autre s’explique par leur capacité, contrairement aux autres du type fer, Voie Ouvrière ou pcmlf, à vivifier ce vieux fond tiers-internationaliste par un zeste de tiers-mondisme à l’intérieur d’organisations de masse non strictement partidaires (cvn et cvb). Les grandes manifestations de solidarité envers les peuples en lutte pour leur émancipation nationale permettent la convergence provisoire des anciennes exigences anti-impérialistes et internationalistes avec les besoins nouveaux de communauté humaine, de la part des jeunes surtout. Cela va produire un véritable appel d’air pour des organisations politiques qui sont avant tout des organisations de jeunesse. Qui connaît, en effet, l’organisation mère de la jcr ? De qui dépend l’ujcml ? Personne n’en sait rien.
Le nouveau mouvement en préparation s’accommode donc du gauchisme car il n’a pas encore construit d’entité autonome et il reste tributaire de l’ancienne matrice révolutionnaire. Même les courants de la gauche communiste restent sur les bases de l’ancien cycle révolutionnaire qui court de 1917 à 1923. Les positions sur les syndicats restent par exemple un peu floues. Si les gauchistes critiquent les organisations traditionnelles de la classe ouvrière, ce n’est pas sur le fond, sur leur nature, mais sur la forme : trop bureaucratiques, trop autoritaires, donc sur des critères qui correspondent exactement à la critique que les étudiants ou les jeunes ouvriers adressent aux organisations et aux institutions en général. La critique gauchiste en reste donc à la version primitive de la critique qui est d’expliquer la pratique de ses organisations par la présence de « directions traîtres » pour les trotskistes, de « bureaucrates révisionnistes corrompus » pour les maos. Mais cette vision est compatible avec la fibre anti-autoritaire et démocratique à la base, des étudiants et jeunes ouvriers. Il y a donc une complémentarité ou une convergence, à partir d’une appréhension certes différente, l’une théorique, l’autre pratique, qui ancre le gauchisme au sein du mouvement alors que les tendances ultra-gauche ou situationnistes qui remettent en cause la nature même des syndicats restent minoritaires et useront souvent de slogans provocateurs pour faire passer le message.
On ne répétera jamais assez à quel point le groupe Socialisme ou Barbarie a pu jouer le rôle de passerelle théorique entre ces différentes tendances. Mais ce sont avant tout des conditions objectives mêlant ancien et nouveau, référence à la classe ouvrière et à la centralité du travail d’un côté, révolte et critique du travail et de toutes les institutions de l’autre, qui expliquent les ambiguïtés et limites du mouvement, son incapacité à dépasser le modèle de la dialectique des classes et donc à mettre au grand jour le fait que le syndicalisme représente bien une défense de la force de travail, mais au sein du rapport social capitaliste.
Le gauchisme va bien sûr être surpris par l’événement 68, mais ce n’est pas vraiment « un coup de tonnerre dans un ciel serein ». L’accommodement de départ permettra à certains groupes de tirer leur épingle du jeu, en cherchant à transformer le mouvement en quelque chose de connu, c’est-à-dire en « mouvement de masse ». Il est remarquable que les groupes gauchistes les plus en pointe dans la nouvelle contestation de l’ordre établi ont été les groupes gauchistes les moins implantés en usines (trotskistes de la jcr et de la IVe Internationale, pro-chinois de l’ujcml) alors que les plus implantés (tout est relatif) ont été ceux qui ont été quasi absents du mouvement (Voix Ouvrière, trotskistes lambertistes, pro-chinois du pcmlf)8.
De toute façon, le mouvement, surtout dans sa composante prolétarienne, ne pouvait se reconnaître dans aucun des groupuscules mis sur le marché car ils étaient le produit de la défaite du cycle révolutionnaire précédent et l’expression de la fragmentation du prolétariat. Même si parfois ils restent fermes sur certains principes (les « invariancistes » issus de la gauche communiste italienne), ils en reproduisent, en les aggravant, les tares originelles (les groupes trotskistes).
Ross n’est pas totalement ignorante de cela puisque lorsqu’elle cite le Mouvement du 22 Mars, c’est en la personne de Cohn-Bendit qui s’oppose justement aux pratiques des cvn et cvb, pour dire que la seule base commune c’est l’anti-impérialisme. Point. Mais cela ne l’empêche pas, un peu plus loin (p.96) de déclarer que les formes et pratiques développées autour du militantisme vietnamien cherchaient à se dégager de la politique conventionnelle des appareils centraux. Elle voit même dans les cvb, l’origine des futurs comités d’action de mai dans la mesure où ils sont censés brasser des individus d’origines diverses. Ils auraient donc constitué des sortes de travaux pratiques populaires propres à enfanter les rencontres étudiants-ouvriers de Mai. C’est un rapprochement pour le moins étonnant et pour tout dire une affirmation sans argumentaire.
Un autre aspect critiquable du livre est de vouloir remettre au centre son caractère d’événement sur la base de théories actuelles de l’événement qui proviennent d’auteurs qui avaient une pratique, en 68, qui est justement complètement passée à côté de cet événement. Ces auteurs (Badiou, Lazarus9 et Rancière, mais Ross utilise surtout Rancière) développent aujourd’hui une théorie de l’événement qui réintroduit des identifications qui étaient justement critiquées en 68, comme l’était l’idée d’une intervention politique pour une « Cause » extérieure aux individus. Ainsi Rancière développe un modèle de « la cause de l’autre » qui permet à Ross de donner une interprétation de type identitaire au slogan : « Nous sommes tous des juifs allemands » alors que ce slogan avait une portée universaliste qui annulait justement toute identification autre que symbolique et provocatrice. Or ce qui faisait événement en 68, entre autres, c’est que justement il n’était plus question d’identité ou de prédétermination de genre, d’origine sociale, d’âge, de nationalité, de religion. Il n’y avait pas « d’autre » au sein du mouvement ; l’autre, c’était le pouvoir et ses serviteurs.
La dimension universaliste recouvrait et rendait impossible toute visibilité des particularismes. C’est en fait la défaite de Mai qui va précipiter le développement des particularités. D’abord sous forme de mouvements de libération, avec parfois un fort potentiel de subversion (mouvement des femmes, mouvement alternatif), puis sous forme de lobbies des droits comme nous les voyons fleurir aujourd’hui10
A partir des mêmes auteurs et de Lindenberg11 aussi, Ross essaie d’opposer ce qui serait la vérité de Mai, c’est-à-dire la tendance à l’égalité par rapport à la tendance vers la liberté, les désirs, les activités contre culturelles qui ne correspondraient qu’à un air du temps. Si cette tendance à l’égalité existe, elle semble d’ailleurs moins forte qu’en Italie où justement le mouvement est plus social que politique alors qu’en France, le caractère plus politique, en référence aux différentes révolutions françaises exprime une tendance importante vers la liberté (cf. la transformation de l’usine Berliet en son anagramme Liberté à Lyon-Vénissieux). Parler d’une seule tendance, à l’exclusion de l’autre revient à nier le caractère double de 68 au sein d’une unité de l’événement. Il nous semble plus judicieux, pour exprimer ce caractère double, de parler d’une forte tension individu/communauté. Cela peut paraître un tour de passe-passe mais c’est ce qui paraît le mieux exprimer la co-existence, au sein du mouvement, des aspirations individuelles et du sens collectif développé dans la communauté de lutte.
La position de Ross semble exprimer une contre dépendance à l’idéologie de la commémoration. Comme le pouvoir et les médias mettent l’accent sur la révolution sexuelle et « l’agitation » des étudiants qui n’auraient finalement été que des « branleurs », dans tous les sens du terme, il faudrait opposer à cette vision, la réalité de l’austère « insurrection générale » de la classe ouvrière. Cela revient alors à séparer deux Mai, l’un petit bourgeois et désirant qui court de mars au 13 mai et l’autre, ouvrier et révolutionnaire qui court du 13 mai au 20 juin. Cela implique de négliger complètement les différences intensités et les différences de rapport de force qui s’expriment au cours de ces deux mois et qui montrent justement que l’intensité est la plus grande quand l’unité des forces de Mai est aussi la plus forte, c’est-à-dire entre le 15 mai et le 27 mai. C’est dans cette période que co-existent les initiatives étudiantes à La Sorbonne et à l’Odéon, les comités étudiants-ouvriers de Censier, les grèves « sauvages » et avec séquestration comme à Renault-Cléon, des comités d’action et de quartiers encore vivants et enfin, la parole libre partout dans les rues. Sans oublier la « Commune de Nantes » et les « Soviets de Saclay »…
Cette division entre les deux Mai était justement celle opérée par la frange des gauchistes qui refusa de voir ce qu’il y avait de nouveau en Mai et ce qui faisait « événement12 ».
Pour rendre sa version plausible, celle des deux Mai, Ross doit alors accentuer le côté insurrectionnaliste d’une grève qui, dès qu’elle se généralise (18-20 mai) perd justement le caractère « sauvage » de ses débuts (Caen, Cléon, etc.) qui s’est manifesté par des actions prolétaires non conventionnelles (séquestrations, détérioration de bureaux et de matériel, grèves sans revendications). Même le terme « d’insubordination ouvrière13 » employé par Xavier Vigna apparaît excessif, si on en reste au strict mouvement de mai-juin 68. Le concept d’insubordination est plus juste pour les luttes d’OS qui suivront entre 1969 et 1973, mais sans le processus de généralisation de mai-juin14 ou alors pour caractériser le Mai rampant italien.
K. Ross doit aussi chercher, comme les ouvriéristes en général, à allonger Mai le plus possible dans juin (p. 14) ; prolongement dont la radicalité se situerait dans les affrontements de Flins et de Sochaux, sans voir que ces affrontements ont été sciemment décidés par le patronat de la métallurgie comme prémisse d’une reprise généralisée du travail qui ne se produisait pas assez vite alors que les accords de Grenelle avaient été prévus pour cela. Ces affrontements ne signalent donc pas du tout un degré plus élevé de la lutte, mais un piège du pouvoir (la souricière de Flins dans laquelle le Mouvement du 22 Mars tombera, finalement, dans l’ombre des maos) ou la fin dans l’isolement ; les morts de Sochaux n’auront pas de suite même à Besançon où le mouvement étudiant et les luttes à la Rhodia ont pourtant été puissants. Les affrontements de juin ne sont donc pas le fruit d’une nouvelle offensive prolétarienne dans laquelle ouvriers et étudiants fraterniseront enfin, mais une réponse immédiate aux offensives du pouvoir capitaliste
Plus grave peut être, en essayant de trier le bon grain de l’ivraie dans son Mai 68, elle s’interdit de comprendre que ce n’est pas la consistance d’un phénomène qui fait l’événement mais justement des actions locales et quotidiennes qui sont le produit d’une situation. C’est bien ce qui s’est passé, par exemple, avec la contestation des règlements des cités universitaires, la remise en cause des institutions universitaires en tant qu’institutions de pouvoir et lieu de formation d’une force de travail qualifiée. Libre à elle de croire que c’est moins important que la lutte anti-impérialiste, mais si cette dernière a eu lieu partout, ce n’est qu’en France et en Italie qu’on a eu une telle révolte générale contre l’ensemble des conditions du moment. Si les slogans désirants et situationnistes sont repris aujourd’hui par les médiatiques parce qu’ils collent au consensus individualiste des années 80 et suivantes, cela n’enlève rien à leur contenu subversif de l’époque ; cela signifie simplement que nous avons été battus.▪
Notes
1 - Ainsi, J.-L. Roche dans sa revue en ligne Le prolétariat universel, le salue comme l’un des rares ouvrages méritant d’être lu sur cette période et nombre d’anciens du Mouvement du 22 mars s’y réfèrent avec empathie.
2 - C’est un choix qu’explicite K. Ross quand elle dit que ce n’est pas l’événement 68 qui l’intéresse, mais ce qu’on peut en faire ou en tirer aujourd’hui. Je reviendrais sur cette conception « utilitariste » de 68, à la fin de ces remarques, mais disons que c’est une position largement partagée par ceux qui s’intéressent encore à cette période.
3 - Il est ainsi trop facile de lui mettre sur le dos le laxisme généralisé d’aujourd’hui, l’indifférentisme et l’équivalence de tout par rapport à tout sous prétexte qu’il a développé une critique de l’autorité et du savoir séparé.
4 - La jcr trotskiste nous en fournit un exemple caricatural avec son soutien inconditionnel à Hô Chi Minh le bourreau des trotskistes vietnamiens. Sur cette question, on pourra se reporter au livre de Ngo Van : Vietnam, 1920-1945. Révolution et contre révolution sous la domination coloniale, L’Insomniaque, 1995, surtout les deux derniers chapitres qui exposent les tractations stalino-gaullistes sur le dos des ouvriers et paysans vietnamiens.
5 - Page 91.
6 - Ce dernier est d’ailleurs utilisé par Ross pour faire le lien entre passé et présent du mouvement dans ce qui constituerait une « modernité politique ». Nous y reviendrons.
7 - Le Portugal représente à ce propos une exception intéressante que nous ne pouvons développer ici, d’une coïncidence entre lutte anti-coloniale et explosion de nouvelles formes révolutionnaires.
8 - Nous simplifions à outrance : le pcmlf a été peu influent, mais en faveur du mouvement, alors que l’ujcml a été influente à partir du 16 mai mais avait pris ses distances dès le début avec ce « mouvement petit-bourgeois ». Quant à la fer, elle était contre un mouvement qui lui coupait littéralement l’herbe sous les pieds.
9 - Lazarus parle « d’événement obscur » (Ross, p.9). C’est un aveu plus qu’une constatation.
10 - Cf. notre critique dans Capitalisme et nouvelles morales de l’intérêt et du goût, L’Harmattan, 2002.
11 - « Mai 68 a été avant tout à mon sens une gigantesque aspiration à l’égalité » (Lindenberg). Citation sans référence précise, p. 73.
12 - Il est comique de voir que cette position est aujourd’hui reprise à l’intérieur d’un milieu libertaire qui découvre ou redécouvre la centralité des luttes de classes avec 40 ans de retard. L’évolution progressive de J.-P. Duteuil est assez significative de cette tendance, même s’il n’a pas franchi le Rubicon du passage à la cnt.
13 - Xavier Vigna, L'insubordination ouvrière dans les années 68. Essai d'histoire politique des usines, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, 400 p.
14 - Elles manifestent surtout la fin d’un cycle productif, celui du fordisme et la fin du cycle des luttes prolétariennes classiques centrées sur le travail et l’usine.