Réponse d’Emmanuel Barot à Jacques Wajnsztejn
NB : En retrait les passages du texte de Jacques Wajnsztejn, en normal les éléments de réponse de Emmanuel Barot.
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Je serais donc assez d’accord avec ta formule qui avance l’exigence « d’une matérialisation du communisme singularisé de la production et de la circulation des savoirs », mais cela implique une sorte d’immédiateté du mouvement pratique d’abolition de l’état de chose existant qui me paraît incompatible avec les idées (que tu avances) de contre-institution et d’autogestion. C’est la question des médiations qui est posée mais dans une perspective qui ne conçoit pas de division entre forme et contenu. Comment faire pour que cela ne reste pas à l’état d’aporie ?
A mon avis cette dimension aporétique d’un côté est constitutive de la production de ces médiations, de l’autre ne doit pas être surdéterminée. Il n’y a aucune « immédiateté » en soi de ce mouvement pratique, qui nécessite toujours de se matérialiser dans les situations données, c'est-à-dire de se médiatiser, c'est-à-dire s’organiser, se donner un corps collectif capable de durer sans se réifier. C’est là que l’équilibre est précaire, circonstanciel, et surtout, non monolithique (d’où le positionnement que, faute de mieux, j’ai repris sur le schéma « dedans-dehors », non pas pour spatialiser ou partitionner le problème, mais pour insister sur l’ambivalence – la dimension concrètement contradictoire –, justement, attachée à ces médiations et aux conditions de leur émergence.
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3- L’idée d’une « université oppositionnelle » mérite une analyse. Elle a aussi été développée dans les Journées critiques organisées à Lyon en avril 2010 sous l’égide de Dietrich Hoss. La notion semble être très développée en Allemagne au sein de l’École de Francfort, autour d’Oskar Negt qui oppose espace public et espace oppositionnel et entre en conflit avec la tendance habermasienne dominante d’une reconquête de l’espace public. Je n’ai pas encore approfondi la question mais peut être faudrait-il regarder de ce côté, sans pour cela reprendre des thèses marcusiennes forcément dépendantes de leur proximité avec la dernière grande vague révolutionnaire du siècle. Par exemple Hoss, dans un projet d’article : « L’insurrection des sens et du sens », parle de « subjectivités rebelles et éphémères » qui vont être obligées, pour se développer, de « créer des espaces protégés d’expérimentation et d’échanges » (plutôt que de produire des pratiques alternatives). Pour lui, il faut quitter le champ de la dénonciation et créer des expériences d’action directe1.
Tout à fait d’accord. La formule est à creuser, à enrichir, etc. Quant à Marcuse, ce que je trouve justement très intéressant chez lui, c’est le fait de ne pas avoir surfé sans lucidité sur la vague « révolutionnaire » de la fin des 60s, au contraire : d’abord systématiquement mis le doigt sur les incomplétudes et les limites de ces révoltes. C'est-à-dire de n’être pas tombé dans un optimisme débridé – au-delà du ton et surtout des images d’Épinal qui s’attachent à ses interventions de l’époque. Mais c’est secondaire, je me suis référé à lui parce que j’étais en train d’écrire un livre sur son œuvre, et il n’est pas du tout le seul à avoir dit ce genre de choses. Negt, d’ailleurs, fait partie des théoriciens à la « gauche » de l’école de Francfort des 2ème et 3ème générations, contre la droitisation habermassienne qui continue d’avoir des effets puissants aujourd’hui.
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6- La reconnaissance qu’une grève d’enseignants ne bloque rien (et c’est encore plus vrai dans le supérieur que dans le secondaire). Ce sont les blocages des étudiants qui ont amené le pouvoir d’État à bouger. Toutefois, le blocage n’est pas la panacée et ne conduit pas forcément à la remise en cause du système. Il peut n’être qu’une radicalisation des formes d’action en dehors d’une critique radicale.
Absolument. Je n’érigeais pas les « blocages » en moyen suprême de lutte, comme d’autres peuvent brandir le fanion de la « grève générale » à tout va. Le propos était avant tout descriptif : lors du printemps 2009, ce sont ces blocages qui ont fait durer et se transformer la nature du mouvement, mais cette transformation n’est pas leur un effet direct, mais le résultat d’une politisation qui s’est opérée à partir d’eux. On pu tout à fait imaginer, en quelque sorte par principe, que ce genre de politisation s’opère avec ou à partir d’autres causes occasionnelles.
7- La remarque sur la différence entre « l’oppositionnel » et « l’alternatif » mériterait d’être approfondie. Livrée telle quelle on ne voit pas trop ce qui ferait la supériorité de l’oppositionnel dans la mesure où pour s’opposer, il faut un terrain solide sous les pieds que ne fournissent plus ni les anciennes médiations de classes ni des bases arrières pré-capitalistes permettant de s’y réenraciner.
Absolument d’accord.
A l’inverse tu dévalorises « l’alternative » comme si celle-ci était une nouvelle forme de réformisme alors qu’on peut au moins se poser la question de son rapport avec une révolution conçue comme un processus et non comme une prise du palais d’hiver.
Je l’ai « dévalorisé » en indiquant le hiatus existant entre les prétentions ou visées affichées par la majorité des pratiques « alternatives », et leur rôle ou impact réels, qui, en contexte, ont consisté à ouvrir des espaces internes aux cadres déjà balisés (intellectuels autant qu’institutionnels), et non à produire des brèches nourrie par l’affirmation du caractère irréconciliable de certaines fins officiellement visées par la résistance, et ces cadres. L’idée « révolutionnaire » n’a absolument et rigoureusement rien à voir avec une « prise du palais d’hiver », mais au moins 1/ à l’affirmation de ce caractère irréconciliable ; 2/ à la nécessité corrélative d’œuvrer, au moins à titre transitoire, à des contre-institutions matériellement et intellectuellement aussi indépendantes que possibles (d’où le IV du livre).
8- Le fait que « le XXe siècle a administré une leçon majeure : le système capitaliste n’est pas près de périr de lui-même en raison uniquement de ses contradictions internes ». Mais cela reste vague. Est-ce dû au fait que ces contradictions n’en étaient pas (exemple d’une confusion entre contradiction et opposition) ou au fait qu’elles n’étaient pas antagoniques et ont été englobées … ?
Grande discussion, classique au XXe siècle, nourrie par la capacité apparemment indéfinie du capitalisme d’absorber les résistances, etc. Les critiques des positions marxistes affirment qu’il n’y a pas de contradictions, alors que ces dernières tendent effectivement à insister sur leur « englobement » (ou « intégration-anesthésie ») et la désactivation de leur radicalisation sous forme antagonique, en particulier en plan des « conditions subjectives » (politiques).
Enorme débat, qui suppose 1/ de s’entendre sur ce que sont les caractères structurels en gros, de l’ordre capitaliste en vigueur ; 2/ d’avoir en tête un certain modèle, une certaine idée de ce que peut être, en corrélation, le processus du « passage à l’antagonisme »… sans imaginer de fictives contradictions « externes ». Je ne crois pas qu’il faille « quitter le terrain privilégié des contradictions », c'est-à-dire quitter « les chemins du matérialisme historique », ni que rester sur ces bases n’impose de reconduire une forme quelconque de « diamat ». Je reviens plus bas sur ce point.
Sur les désaccords
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1- Il en est un qui me semble fondamental : il est d’ordre chronologique. En effet, tu dates la domination formelle du capital de l’après 68 ; mais alors, comment analyser tout le développement des universités dès le début des années 60 et la réforme E.Faure qui en est la suite ? Il semble au contraire que nous sommes déjà là dans la domination réelle qui est celle du fordisme et qui inclut une massification de l’enseignement comme d’ailleurs de la consommation.
Tout à fait d’accord, ce désaccord n’est apparent et résulte du fait d’effets de perspectives distincts. J’ai pris la réforme Faure comme le moment où de nouveaux cadres institutionnels ouvrent à une période, au moins en apparence, de domination plus « formelle » que cela n’était le cas auparavant. La massification des années 1960, c’est pour le dire très vite le moment où les classes populaires-prolétaires entrent à l’université, y gagnent des armes, mais du même mouvement, c’est le moment où leur formatage se systématise et s’organise au plan universitaire spécialement à leur destination (ce que le jeune Bourdieu et ses potes, et ils ne sont pas les seuls, ont vite étudié). Autrement dit, la « domination réelle » est évidemment tout à fait active avant 1968, et les luttes étudiantes ne s’y sont pas trompées. Les structures institutionnelles nées d’après 1968 à la fois vont pérenniser le processus de formatage entamé antérieurement (poursuite, évidemment, de la « domination »), mais en atténuer les modalités, les « démocratiser » partiellement, etc. L’après-1968 a institutionnellement donné à la massification le visage d’une démocratisation, bien réelle comparativement à ce qui s’opérait avant, mais toute relative quand même : et aujourd’hui, sous couvert de démassification, s’opère entre autres la dé-démocratisation de ces cadres institutionnels issus de la réforme Faure. L’essentiel est qu’entre domination « réelle » et « domination formelle », il n’y a pas d’opposition réelle, autrement dit, que la domination « formelle » est tout simplement une modalité de la « domination réelle ».
Mais concrètement, l’usage de cette distinction avait un objectif immédiat : faire comprendre que la transition actuelle n’est pas transition d’une université non dominée vers une université dominée (par le capital, etc.), mais transition d’une forme partiellement plus voilée et plus indirecte de domination à une forme explicite (et d’ailleurs relativement inédite : avant la « massification » des années 60, c’était quand même l’universalisme républicain qui dominait à plein la représentation de la fonction de l’université). Bref, tout cela impose de croiser différents points de vue et d’être nuancé, je ne pense vraiment qu’on soit en désaccord sur l’interprétation générale de l’histoire de l’université depuis l’après deuxième guerre mondiale.
Dans cette phase il n’y a pas incompatibilité entre ce que tu appelles les « appareils idéologiques d’État » en plein développement et la contestation de ces mêmes appareils, ce qui va déboucher sur une certaine démocratisation.
C’est bien ce que j’avais cru dire clairement dans le bouquin !
Dit autrement, dans cette phase l’ascenseur social va fonctionner à plein et c’est au cours de ce processus que les luttes de classes vont être englobées (la contradiction entre les classes n’est plus antagonique). C’est justement ce qui ne fonctionne plus à partir de ce que j’appelle « la révolution du capital ». Tu le décris finalement très bien quand tu parles du recentrage de l’État sur ses fonctions régaliennes avec parallèlement « une mutation managériale » de l’exercice du pouvoir d’État, si on entend par là l’intensification de la puissance-pouvoir du Capital (p. 54)… et de son État.
OK
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Mais ceci n’est pas mis en rapport avec une forme État-réseau qui permet justement cette symbiose. En fait, il y a une erreur de perspective. La période des Trente glorieuses est vue comme une période d’impuissance relative du capital alors qu’elle a jeté toutes les bases de la situation actuelle, c’est-à-dire celle d’une « société capitalisée » qui « n’a dorénavant plus d’antagoniste réel » (p. 55). Sur ce dernier point, nous sommes d’accord à condition d’ajouter (… plus d’antagoniste réel) déterminé par des conditions objectives historiques.
Je ne sais pas s’il y a une « erreur de perspectives », je ne crois pas, mais il faut que je comprenne mieux ce que tu mets derrière « forme État-réseau » et que je lise ton livre de 2009 pour bien saisir l’objection.
2- Un autre désaccord concerne le rapport aux catégories marxistes. Tu fais encore référence à la distinction travail productif/improductif qui renvoie le travail intellectuel dans le rang des improductifs (p.46) et les enseignants dans le camp de la petite-bourgeoisie alors que le capital a absorbé le processus technoscientifique, ce que Marx anticipait déjà avec sa référence dans les Grundrisse au General intellect, notion que tu reprends à ton compte p.49. Je vois les deux prises de position successives comme incompatibles.
===> Je fais un § unique à la fin sur cette question qui revient à différents moments.
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Plus concrètement, l’important n’est pas de savoir si les enseignants sont productifs ou improductifs, s’ils font partie de la petite-bourgeoisie (ta position) ou des classes moyennes (ce qu’énoncent sociologues et médias), mais de noter les transformations aussi bien de l’institution scolaire (L’État n’est plus éducateur) que des enseignants eux-mêmes et là je crois qu’on est d’accord.
Absolument
4- Ce n’est pas parce que la bourgeoisie est fractionnée (le capital n’a jamais autant été en voie d’unification ou mieux, de totalisation), que les gouvernements de type Berlusconi ou Sarkozy mènent une politique autoritaire.
Pas seulement, évidemment, mais, tu le dis à juste titre, cette totalisation-unification du capital est en cours, et les formes autoritaires au plan politique sont notoirement associées à ce processus unificateur (les années 1930 ont été une telle formidable période d’unification…). Mon propos n’était pas du tout monocausal sur ce point.
D’ailleurs Merkel et les pays scandinaves ne suivent pas le même mouvement. Ces deux hommes politiques sont l’expression d’une crise spécifique de la forme État dans des pays où la conflictualité de classe a été englobée beaucoup plus tardivement qu’ailleurs. Ils représentent une opération de délégitimation des anciennes élites — patronales avec Berlusconi, politiques avec Sarkozy — dans des politiques de court terme qui avouent leur absence de dimension stratégique à partir du moment où nous sommes dans une situation de déclin de l’État-nation et son passage à la forme État-réseau.
1/ A mes yeux ce n’est pas du tout incompatible. 2/ « situation de déclin de l’État-nation et son passage à la forme État-réseau » ? Là encore, il faut que je lise ton livre. Mais n’empêche, ce « passage » n’a rien d’évident à mes yeux : je pense qu’il faut surtout dissocier Etat-nation et Etat-central, que le premier est une forme du second, qui lui n’est pas incompatible avec une « strate » du type « forme-réseau » : les différents processus conjoints d’internationalisation (Bruxelles, Europe) et de régionalisation (genre LRU, PRES, etc.) s’accommodent aujourd’hui d’un rôle encore essentiel de l’Etat-central recentré sur ses fonctions autoritaires sous une sauce plus ou moins managerisée). Je pense même que le type d’autoritarisme à la Sarkozy, sur le plan politique, exprime justement cette tension, c'est-à-dire cette coexistence entre des tendances centrifuges et centripètes de ce qu’on nomme « l’Etat », coexistence plus ou moins pacifique qui d’ailleurs a son écho au plan économique.
5- La tendance actuelle à la désintégration que tu signales (p.136) par rapport à la tendance à l’intégration avancée par Marcuse au début des années 70, me semble rendre compte de façon inadéquate de la situation. Je parlerai plutôt d’une nouvelle forme d’intégration liée elle-même aux nouvelles formes de l’État. Elle ne se fait plus sur le mode universaliste des valeurs de la révolution française mais sur le mode relativiste des pays anglo-saxons. Retour des communautarismes, des nouvelles identités, des nouvelles tribus et des gangs de « semblables » : voici les nouveaux territoires de la socialité en réseau.
Pas incompatible du tout à mes yeux : le mode relativiste-multiculturaliste à l’anglo-saxonne correspond est une façon de compenser l’universalisme républicain qui n’est plus capable d’absorber ni de voiler cette « désintégration » « par en haut ». Ledit relativisme joue un peu le rôle un avatar, dans sa logique de légitimation, de l’universalisme, comme un universalisme ‘immanentisé’, dont le communautarisme est une conséquence pas du tout étonnante : le « droit à la différence » est un principe en creux de l’universalisme républicain, c’est une forme du principe d’égalité dont la prédominance peut s’acoquiner assez aisément – en gros, moyennant une refonte de la laïcité dans le sens de la « tolérance ». A creuser, c’est compliqué, là je vais très très vite.
En ne comprenant pas cela tu essaies de trouver chez ces salariés, en particulier enseignants, une sorte de lutte existentialiste (ta référence marquée à Sartre n’est pas anodine)
Absolument pas. A mes yeux tu surdétermines grandement, dans cette référence à Sartre, cette thématique existentialiste – à laquelle il est réduit – dont je retire bien peu ici : la référence à Sartre est pour moi essentielle parce qu’il a été l’un des seuls à systématiser, dans sa reprise du marxisme, des moyens d’analyses non objectivistes-économistes-mécanistes comme ceux qui sévissaient à son époque. Vois la Critique de la raison dialectique (1960) et le tome III de l’Idiot de la famille (1973), je peux te certifier qu’on est loin, conceptuellement et chronologiquement, de l’Etre et le néant (1943) ou de « l’existentialisme est un humanisme » (1945) – et c’est justement contre les carences de ces derniers qu’il s’est employé à travailler ensuite.
tu continues à parler en termes d’antagonismes de classes alors que les mouvements sont de plus en plus, non pas interclassistes, mais a-classistes, soit sous la forme d’une sorte de tension vers la communauté (symbolisée par le « Tous ensemble » de 1995), soit sous la forme d’une impossibilité à affirmer aujourd’hui une quelconque identité ouvrière alors qu’on se trouve pourtant dans une époque de déferlement de revendications identitaires.
La forme a-classiste louchant vers le communautaire et l’impossible unification sous le sceau de « l’Ouvrier » ne préjugent pas de l’irréalité de l’antagonisme de classes, mais peuvent être regardées comme un mode d’expression historique particulier, au cours d’une période transitoire, du hiatus entre des tendances « objectives » lourdes mais diluées, et une foultitude de formes de « subjectivation » - les multitudes, les sans-part, etc. – lorgnant vers des identités labiles, instables, croisées, hybrides, etc.
C’est le cas des dernières luttes ouvrières du type de celle de Continental qui, finalement, prennent acte de cette nouvelle réalité (pour eux l’équivalent de la fin d’un monde, le monde ouvrier) et affirment le droit à un revenu, en l’espèce une sorte de rente, indépendante du travail. En cela, elles trouvent des points objectifs de convergence avec le mouvement des chômeurs de 19982, mais en dehors de toute perspective collective de subversion de la société capitalisée. C’est pour cela que l’idée de revenu minimum garanti (ou d’existence) n’a pas progressé massivement dans les têtes, même comme étape intermédiaire vers cette subversion.
Ca nous entrainerait trop loin, mais je partage la lecture de la façon dont les acteurs sociaux se représentent leur situation et leurs possibles avenirs (et donc pensent leurs luttes). Mais cela ne préjuge pas à mon sens de la réalité des antagonismes, aussi complexe soit-elle à saisir, etc.
Je reste convaincu qu’il y a pertinence à distinguer entre la réalité existante et les représentations qu’on en a, même si je récuse que cette distinction ne doive induire une nouvelle forme de la dichotomie entre savants et ignorants, avant-garde et masses bêlantes, etc. C’est tout le problème, justement, d’une contre-institution sur des bases non seulement anticapitalistes, mais aussi communiste-autogestionnaire, dont tu as toi-même souligné la dimension aporétique (cf. au début).
7- L’ensemble de ton analyse du mouvement universitaire se fait en dehors de toute référence aux luttes dans l’école en général et particulièrement aux luttes de l’année dernière dans le primaire alors que le slogan : « De la maternelle à l’université tous mobilisés »
NON : c’est même le titre d’un des § du chapitre I de mon bouquin. Je n’avais pas la place de développer, mais je ne commets aucune hiérarchie dans les enjeux, bien au contraire. De même, je parle très peu de la bolognaise, de l’Europe, etc., mais ça ne veut pas dire que mon propos se limite de façon nombriliste au cas franco-français.
Un autre désaccord concerne le rapport aux catégories marxistes.
Là je synthétise plusieurs réponses
Ce point est névralgique. Dans le bouquin tout un ensemble de développements repose sur une série d’hypothèses liées entre elles, et il est clair que refuser totalement ou partiellement ces hypothèses conduit à poser le problème, par exemple, de « l’aliénation », d’une façon différente.
Pour le dire brièvement : j’ai volontairement utilisé frontalement des distinctions et des notions taxées de périmées, justement pour affirmer qu’avant de les dire périmées, il faut y regarder de plus près. D’où l’accent « classique » de mon argumentation. Mais si j’ai un peu grossi le trait sur ces hypothèses, de ton côté, je pense que tu vas trop vite en besogne, que tes affirmations sur leur caractère périmé, justement, se présentent autant comme des partis-pris que comme des hypothèses.
Bref il y a deux choses : 1/ ces catégories telles qu’elles fonctionnent chez Marx ; 2/ leur actualité ou non aujourd’hui.
Exemple :
le capital a absorbé le processus technoscientifique, ce que Marx anticipait déjà avec sa référence dans les Grundrisse au General intellect
dans la domination réelle du capital, la théorie de la valeur de Marx ne tient plus, comme il le signalait lui-même dans le « Fragment sur les machines
Là tu reprends de fait une lecture extrêmement ciblée d’un long passage des Grundrisse qui a donné lieu à des erreurs répétées (Marcuse est ambigu sur ce point dans L’Homme unidimensionnel), la plus grandiose et la dernière en date étant celle de Negri et Hardt. Marx ne dit pas du cela, plus exactement, pas seulement cela. Il explique que si l’automation – intégration croissante du processus techno-scientifique dans la production – s’accomplit totalement, le capitalisme ne peut plus tenir, puisqu’il repose sur l’exploitation croissante du travail vivant par le travail mort : l’automation complète, c’est la fin du travail vivant, donc la fin de son exploitation, donc l’impossibilité de valoriser le capital (produire de la plus-value), c’est le passage au « libre développement des individualités » dans et par « l’intellect général », etc. Dans le Capital, cette idée se retrouve dans l’affirmation que la hausse de la composition organique du capital (en gros, la croissance proportionnelle du capital constant sur le capital variable) est au cœur de la baisse tendancielle du taux de profit, laquelle est amenée à radicaliser le conflit entre possesseurs des moyens de production et forces productives, et à rendre possible la révolution, le capitalisme ayant fait son temps (c'est-à-dire développé les forces productives à un degré tel que les rapports capitalistes de production ne peuvent qu’éclater).
Pour en revenir aux Grundrisse, certes par là le capital « contribue ainsi, malgré lui, activement à la création des moyens du temps social disponible, tendant à réduire le temps de travail… sa tendance est toujours de créer, d’un côté du temps disponible »… mais sa tendance est du même mouvement, « d’un autre côté, de le convertir en surtravail ». Et il dit enfin « Plus cette contradiction se développe, plus il s’avère que la croissance des forces productives ne peut plus être enchaînée à l’appropriation de surtravail d’autrui, -mais il faut que ce soit la masse ouvrière elle-même qui s’approprie ce surtravail » (Grundrisse, t. 2, p. 196).
Autrement dit, pour que la théorie de la valeur ne tienne plus, il faut que soit aboli le mode de production capitaliste. Or, à moins que j’aie raté quelque chose, cette abolition n’a pas encore eu lieu. La pertinence de la théorie marxiste de la valeur est évidemment au cœur du problème : en gros la théorie dit 1/ que la valeur d’une marchandise qu’elle quelle est déterminée par le temps de travail socialement nécessaire à sa production ; 2/ que l’exploitation par le salariat est l’exploitation du temps de travail fourni par les travailleurs au-delà de cette quantité « socialement nécessaire », et 3/, ici, que la baisse de ce temps de travail nécessaire sous l’effet des innovations technologiques absorbées dans la production intensifie tellement l’ampleur de l’exploitation (puisqu’une partie croissante du temps de travail réellement effectué n’est plus « socialement nécessaire », et donc d’emblée volé) que crises, voire révolution, ne peuvent dans le principe que s’ensuivre. Or c’est justement cette dernière inférence que le XXe siècle a mis par terre.
Dit autrement, c’est justement l’échec des processus révolutionnaires et la non-abolition du capitalisme qui permet aussi de dire que cette théorie de la valeur reste pertinente, dans la mesure au l’absorption de la techno-science dans la production n’a pas du tout induit à la hauteur des possibilités qu’elle recèle la baisse du temps de travail et la production de ce temps disponible au cœur du ‘general intellect’ et du « libre développement des individualités ».
Voilà pourquoi, par exemple dans ses Manuscrits de 1861-1863 (écrits dans la foulée des G), ou même dans les G, Marx écrit aussi3 :
« Sous le règne du capital, l’utilisation de la machinerie ne diminue pas le travail, mais au contraire le prolonge. Ce qu’elle diminue, c’est le travail [socialement] nécessaire, mais pas celui nécessaire au capitaliste ». (G, II, p. 317)
Autrement dit, l’incorporation de la techno-science au capital, aussi flagrante soit-elle, n’est absolument pas à elle seule l’indice et encore moins la preuve de la fin de l’exploitation du travail : voilà pourquoi je refuse de substituer à « exploitation » des notions qui, tout en étant politiquement aussi mobilisatrices, comme celles d’assujettissement ou de domination, me semblent maintenir dans l’opacité en quoi exactement consiste la domination, quels sont ses noyaux, etc.
« le salariat d’aujourd’hui n’est plus celui de la classe ouvrière productive, mais d’un salariat généralisé »
Ca n’est en rien incompatible avec le dispositif marxien : un salariat généralisé, cela reste un salariat. Ce qui est rendu complexe à saisir, qui est opaque aujourd’hui ce sont les stratifications – que je dis de classes – du salariat, qui bougent en permanence, etc. l’existence d’une gradation. Tout le propos de Marcuse, par exemple, à partir de 1968 a été de réfléchir dans les années 70 (je te conseille Contre-révolution et révolte de 1972, et « Théorie et pratique », dans son recueil Actuels de 74) à l’articulation existante entre les structures fondamentales du capitalisme, et les implications politiques des transformations des sphères de production, dont cette généralisation du salariat est l’expression la plus directe.
Et là, il rejoint notamment les analyses, dont il était plus éloigné dans les 60s, d’Ernest Mandel dans Le troisième âge du capitalisme, bouquin de 72, qui 1/ met bien les choses au clair sur la nature et l’ampleur des transformations que tu as en tête ; 2/ donne des jalons importants pour évaluer aujourd’hui la pertinence ou non de la théorie marxiste de la valeur
Voilà pourquoi, je crois, tu es en désaccord avec la thématique de la « reproduction d’une force de travail », c'est-à-dire du travail « improductif » (celui des enseignants, etc.) tel qu’il est organisé aujourd’hui au service du capital au travers du travail « productif » qu’il qualifie, qu’il rend culturellement « instruit-éduqué » (c'est-à-dire formaté autant que muni-de-connaissances-qui-sont-autant-d’armes) et socio-économiquement « compétent », c'est-à-dire « productif ». 4
D’ailleurs, tu dis toi-même que
« la notion de domination du capital par le biais du salariat me semble bien convenir tout en sachant qu’elle ne se limite pas au domaine d’une production qui n’en est plus le centre mais au niveau de la reproduction d’ensemble des rapports sociaux. D’où le caractère central des luttes des salariés de ces secteurs de la reproduction (transports, hôpitaux, enseignement, communication, culture).
Ai-je dis le contraire ? Pas du tout : la reproduction de la force de travail est évidemment au inscrite dans la reproduction d’ensemble de tous les rapports sociaux – donc des « classes » (quelles que soient leurs frontières, l’idée de domination par le salariat me semble un critère probant pour continuer à tester les analyses en termes de classes). D’ailleurs, tout le livre II du Capital, et les deux fameux schémas sur la « reproduction », le dit de façon périodique : reproduire le capital, et surtout l’accumuler, cela suppose de reproduire tous les rapports sociaux, et le salariat, et par là les classes. D’où l’importance comme tu dis des luttes dans ces secteurs (« improductifs » = services publics en gros, soustraction faite de ce qui jadis était l’industrie étatique) de la reproduction.
Conséquences autour de « l’aliénation »
Ton objection-discussion porte sur deux plans distincts, en gros la « réalité objective » et les « représentations » des acteurs expérimentant cette réalité.
Tu écris
La dévalorisation des métiers et particulièrement celui d’enseignant ne correspond pas simplement ni même essentiellement, à une perte du sens de ce travail, mais aux conditions objectives de production et de réception actuelles des savoirs. »
Absolument d’accord.
Parler en terme d’aliénation c’est aussi tracer une perspective en terme de réappropriation, ce qui n’a plus grand sens à partir du moment où une très grande partie de ce qui serait réappropriable n’a pas d’intérêt ou pourrait même être supprimé du jour au lendemain. A ce niveau, on peut dire que l’idéologie progressiste-techniciste donne l’illusion d’une facile appropriation — d’abord individuelle d’ailleurs — des éléments de la puissance sociale par l’intermédiaire de l’utilisation outils technologiques, surtout dans la vie quotidienne alors qu’ils fonctionnent le plus souvent que comme simple prothèse pour gagner du temps, pour maintenir ou créer des liens sociaux, pour se donner des impressions de liberté ou d’aventure. »
Là je ne comprends pas trop : évidemment que je pense aussi en termes de « réappropriation ». Quand tu dis « une très grande partie de ce qui serait réappropriable n’a pas d’intérêt ou pourrait même être supprimé du jour au lendemain », je comprends, mais je demande sérieusement à voir. Dis-tu par là que 90% des savoirs théoriques ou matérialisés existants, en tant que savoirs coextensifs à la « domination du capital », n’auraient aucune vertu dans une hypothèse ou un cadre post-capitaliste ?
C’est peut être dans cette dimension d’asservissement que peut resurgir et servir l’idée d’aliénation ; aliénation d’autant plus redoublée quand la critique de la technoscience intégrée à la dynamique du capital devient un élément d’une critique plus large de la vie mutilée (je préfère Adorno à Sartre).
Je pense que la thématique de la « vie mutilée » est très riche dans sa puissance descriptive, mais je pense qu’elle sert de fait depuis, justement, Adorno et compagnie, à un peu noyer le poisson, comme si c’était un « monde mutilant », une « rationalité destructrice » qu’il convenait avant tout de combattre. La vie mutilée est mutilée de certaines façons dans un certain monde, et il se trouve que ce monde reste celui du capital. Dire ça n’éclaire pas tout miraculeusement, mais la thématique de la « mutilation » contient le même risque que celui de la « domination » : laisser accroire que, finalement, la question de l’antagonisme capital-travail est secondaire ou accessoire (je ne dis pas que c’est ton propos). Je ne dis pas, par exemple que les aliénations mentales ou psychiques ou encore les ravages écologiques disparaîtraient miraculeusement avec l’abolition du capitalisme. Mais je pense qu’il faut rester très très prudent quand on affirme que « telle période de l’histoire ou telle théorie qui prétend en rendre compte est dépassée », etc.
La droitisation (désolé du mot, mais je le maintiens avec une grande fermeté) d’Adorno et de son pote Horkheimer, limpides au moment de 68 comparativement à Sartre et Marcuse, me semble en tout cas un indice de la prudence à avoir sur ce point. On peut parler de « vie mutilée » et appeler les flics contre les étudiants. Ce que jamais S ou M n’ont fait.
En effet, l’homme semble avoir face à lui l’ensemble des possibles, mais ils lui sont étrangers. Or ce constat est trompeur car il ne peut justement pas déboucher sur une réappropriation qui penserait que tout est possible comme si la dynamique du capital, semblant sans limite, son renversement pouvait produire une appropriation sans limite !
Le danger du concept d’aliénation devient alors plus grave puisque son dépassement pourrait être conçu en tant que développement illimité de tous ces possibles, ce qui est aussi une utopie du capital.
Personnellement je ne préjuge pas de l’avenir : il y a un nombre indéfini de possibles, c’est une chose, toute idée sur leurs modes de déploiement, de réalisations éventuels, et l’ampleur comme les impacts de ces modes, en est une autre. De ce point de vue en tout cas, il y a se nourrir des débats sur la bioéthique, sur les possibles technoscientifiques (cf. thèmes de ‘l’écologie politique’ super en vogue aujourd’hui), qui tardent trop cependant à être corrélés aux structures effectives de l’économie mondiale. Vaste débat.
Pour rester opératoire, il me semble que le concept d’aliénation implique des individus qui ne soient pas captés immédiatement par ce qu’ils font ; des individus qui soient dans l’écart par rapport à leur activité salariée de façon à pouvoir affronter le capital sans vouloir en prendre possession ou la direction. La domination réelle du capital à accéléré ce processus (cf. les « autonomies ») mais en détruisant au passage ce qui fut l’hypothèse programmatique de la classe ouvrière (le pouvoir ouvrier) sans qu’apparaissent clairement de nouvelles perspectives.
Absolument
Ainsi, aujourd’hui cet écart est reconduit et même développé comme on le voit dans les grèves « desperados » de salariés qui menacent de faire sauter leurs usines ou qui cherchent à monnayer leur licenciement plutôt qu’à lutter pour faire redémarrer leur entreprise, mais il est aussi recouvert par une capitalisation accrue de toutes les activités humaines : il n’y a plus de « bases arrières » pour organiser la « résistance », les espaces oppositionnels sont très rapidement intégrés (ils ne peuvent se constituer en zones libérées c’est-à-dire en territoires) ou alors ils n’existent vraiment que dans les espaces que dégagent les mouvements de lutte tant qu’ils ne se fixent pas.
Tout à fait d’accord.
Il me semble qu’il y a, de plus, une impossibilité à parler sur un même niveau d’aliénation d’un côté et de contradiction de l’autre. En effet, la première renvoie à quelque chose qui n’est pas située précisément (par exemple l’aliénation qu’est le travail en tant que tripalium et l’aliénation spécifique du travail salarié), alors que la seconde est toujours spécifiée historiquement. Si le concept d’aliénation ouvre bien sur une conception non classiste, ce que tu mets en évidence p.138, il ne permet pas une traduction précise en termes de luttes, ce que les concepts de domination ou de subordination permettent, me semble-t-il, parce qu’ils renvoient à une conjonction possible entre conditions subjectives (la révolte, l’insubordination ou même la résistance) et conditions objectives (une crise de reproduction des rapports sociaux ou une mise en danger de la planète due à la domination sur la nature extérieure).
Tout à fait d’accord, de nouveau, sur l’approche générale. Cependant personnellement je n’accepterais pas de dire que « l’aliénation » n’est pas située précisément. C’est une notion plus générale, recouvrant des gammes d’expériences individuelles et collectives très variées, mais qui pour autant restent les produits d’un certain état de la société à un certain moment de son histoire – des expériences au sens large de la « dépossession » comme je l’ai repris dans le bouquin, mais de dépossessions qui n’ont rien d’éthéré, sinon qu’elles sont plus ou moins diffuses, à la mesure de tout ce qui se greffe sur et autour de l’exploitation. Dit autrement, à récuser le vocable de l’exploitation, on peut en arriver à mettre l’employé ou l’ouvrier au même niveau que son patron : les deux sont biens « aliénés » par et au sein du système (Marx l’écrivait déjà clairement, noir sur blanc, dans La Sainte famille, par exemple). Pourtant le patron n’est pas un exploité, mais bien un exploiteur. Autrement dit, la lutte doit aussi se mener contre les exploiteurs, et en partie avec eux contre les régimes d’aliénation-mutilation qui font corps avec un ordre inégalitaire, dont le productivisme ne tient que par une économie transversale de la destruction…
Evidemment que la « culture dominante » est une formule trop simple, sur ces bases, pour rendre compte de la complexité des situations. Il n’empêche que cette « culture » est bien celle par laquelle une situation et un processus généraux de domination se poursuivent – et comme toujours elle est active autant chez ceux qui subissent et ceux qui tirent profit de la domination. Il y a un gros travail à fournir aujourd’hui sur ce point, je suis bien d’accord.▪
E. Barot
4 octobre 2010
Notes
1 – NOTE 3 p. 2 […] C’est pour cela que les nouveaux espaces oppositionnels que Neumann dégage à partir des luttes dans l’université, les quartiers et les lieux de travail ont bien du mal à apparaître. Soit ils interviennent et se retirent en pratiquant une sorte de guérilla (blocage des flux, fauchage d’OGM, attaques de sièges sociaux d’entreprise, déclaration publique de désobéissance), soit ils cherchent à fuir l’espace public en faisant de leur clôture la preuve de leur opposition (le milieu des squats radicaux), soit encore ils cherchent à faire de leur opposition une nouvelle norme (« marche des fiertés », genrisation de l’orthographe, lois protégeant les particularismes et les identités, etc.). [MEME CONSTAT]
2 – Cela ne recouvre donc pas la position de Rancière, résumée p. 139, qui fait comme s’il pouvait encore y avoir une « consistance de l’ouvrier » qui viendrait remplir et donner sens à « l’inconsistance des innombrables » (à mon avis, il regroupe sous ce vocable tous les « sans » ou bien il pense à « la multitude » des negristes). [REF/USAGE DE LA REF MAL COMPRIS.]
3 – NB : tu dis que je reprends le « General intellect » p.49, ce n’est pas le cas. J’ai relu le passage de mon bouquin, et si la question est bien celle, entre autres, des formes collectives différenciées des savoirs telles qu’elles existent ou peuvent advenir, je ne pense pas du tout pour autant à cette notion de Marx ici. La chose est à creuser, mais en tout cas ce n’était pas ce que j’avais en tête.
4 – NB : les 3 volumes du Capital IV, « théories sur la plus-value », portent sur ces notions productifs-improductifs, sur leur histoire comme sur l’histoire de ce qu’elles désignent. C’est le problème, quantitativement parlant, sur lequel Marx a de fait le plus écrit (des milliers de pages !). Ca reste aujourd’hui un point clé, et tes objections ici soulèvent ce qui était déjà à mes yeux le problème, du moins ce qui cristallise le problème (quelle est la nature, exactement, de l’économie-monde d’aujourd’hui, comment penser les formes de la domination et de l’exploitation, quel sens peut-il y avoir à parler de « précarité » quand on reste face à quelque chose de fortement analogue à une condition prolétaire, mais à quelles conditions et en quels sens ce terme peut aujourd’hui être porteur d’intelligibilité comme d’instruments politiques, etc.).