Radicalisation ou impasse des pratiques critiques ?
Publié dans : L’Individu et la communauté humaine. Anthologie et textes de Temps critiques (volume I)
Je tiens à rectifier un préjugé à propos de Marcuse. Il est vrai qu’on lui prête l’affirmation d’un nouveau sujet révolutionnaire sous la forme des étudiants. Or, il n’a jamais soutenu cette vision. Faisant allusion aux nouveaux besoins développés par les étudiants, il s’est limité à dire que les étudiants pourraient tout au plus fonctionner comme « un catalyseur » d’un nouveau sujet révolutionnaire (cf. An essay on liberation).
(…) Cette contradiction radicalisation/fixation des « besoins sociaux », constitue une analyse assez répandue dans les milieux anars et gauchistes dans les années soixante-dix. Elle envisage la possibilité d’une radicalisation et rares étaient ceux qui disaient, déjà à cette époque, que cette possibilité n’existe pas parce que constitutionnellement, c’est à dire dans la façon dont ces mouvements ont exprimé leurs mobiles et leurs finalités, ils ont visé un réarrangement de l’accumulation capitaliste puisque leur but n’était rien d’autre qu’un capitalisme écologique respectueux de la « nature ». Je pense en effet que l’alternative radicalisation ou fixation n’a jamais existé. Les « pratiques critiques » ne peuvent donc constituer une quelconque « avancée », à moins qu’on substitue le sujet de la théologie : le sujet capital, à la place du sujet révolutionnaire. En ce sens, les « nouveaux mouvements sociaux » expriment bien un progrès, mais c’est un progrès de la subsomption totale des individus dans le capital. L’essence propre de ces mouvements serait alors d’exprimer comme « besoins sociaux », les besoins futurs du capital, qui, en tant que capital, ne peut pas anticiper ses besoins futurs ; et cela tout en hallucinant que ces besoins seraient des besoins « humains », « authentiques », et que sais-je d’autre. S’il était difficile de s’apercevoir de cet état de choses lorsqu’on était pris dans les événements, cette analyse s’impose aujourd’hui.