La théorie du complot est incompatible avec une conception du capital comme sujet automate

par Jacques Wajnsztejn

Publié dans : Violences et globalisation. Anthologie et textes de Temps critiques (volume III)


Réponse de J. Wajnsztejn à la lettre d’Hipparchia du 25 juin 2002


Tout d’abord sur la question du terrorisme d’État, nous ne disons pas qu’il ne puisse pas en exister un, comme cela a pu être le cas en Italie à un certain moment, mais nous récusons toute « théorie du complot » à valeur explicative des événements, a fortiori quand elle cherche à discréditer des tendances d’un mouvement révolutionnaire et cela, même si on peut être en désaccord avec ces tendances. À titre d’exemple, je te renvoie au livre de P. Persichetti et O. Scalzone2 dans lequel Scalzone démonte la construction policière de l’histoire que développe Debord dans la préface à la quatrième édition italienne de La société du spectacle. Dans le même ordre d’idée, le livre de Scalzone, comme celui de Curcio3 disqualifient la position de l’ancien dirigeant brigadiste Franceschini sur lequel s’appuya pourtant Serge Quadruppani dans la revue Le Brise glace, pour condamner la lutte armée, comme étant toujours au service d’un État (en l’occurrence il était question des services secrets israéliens). Ce même Franceschini est aujourd’hui devenu un spécialiste de la théorie du complot. Enfin, puisque tu parles de Bodo, tu sais à quel point il soulignait l’origine d’extrême droite de cette théorie du complot. Mais bien sûr cela n’empêche pas du tout qu’il y ait des effets 11 Septembre favorables à la survie du système et que certains clans du pouvoir aient eu intérêt à ne pas bouger pour obtenir ensuite ce qu’ils désiraient, par exemple une augmentation des crédits militaires. Mais il ne faut pas mésestimer non plus l’énorme suffisance du pouvoir américain qui l’entraîne souvent à ne pas voir la vérité en face.

Il me semble aussi paradoxal que tu puisses « intentionnaliser » le 11 septembre comme une action de la puissance américaine, alors que plus loin tu développes une idée proche de celle du capital-automate, quand tu parles de logique interne aux lois du marché, à laquelle seraient soumises aussi bien la recherche que ses applications. Et que fais-tu des liens entre le Pentagone et le complexe militaro-industriel ? Il me semble qu’au contraire tout ce qui est de l’ordre de la puissance et du stratégique, échappe en grande partie à la logique des lois du marché. La tendance à l’Empire que signalent Negri et d’une autre façon la revue Tiqqun marque justement la tendance à la domination du politique sur la gestion et l’économie. Que cela soit relativement récent est un point que J. Guigou et moi sommes en train d’expliciter dans un petit texte de bilan de ces cinq dernières années, en vue du no 134.

Jacques Wajnsztejn

Notes

2La révolution et l’État, Dagorno, 2000.

3À visage découvert, Lieu commun, 1993.

4 – cf. Texte intitulé : « Bilan 1995-2002 », Temps critiques, no 13, p. 3-21.

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