Temps critiques #15

La Chine dans le procès de totalisation du Capital

, par Jacques Wajnsztejn

« Dans sa Philosophie de l'Histoire, Hegel situe la Chine "en dehors de l'histoire universelle" car, dit-il, en Chine, le statique perpétuellement réapparaît et remplace ce que nous nommerions l'historique. »
P. Souyri, Révolution et contre-révolution en Chine, Payot, 1982.

La Chine n'est pas l'atelier du monde

« La Chine est un géant qui déroute. Elle jouit des bienfaits d'une économie florissante, mais qui ne répondrait pas aux normes du marché. Son système politique serait archaïque, corrompu voire inefficace, et néanmoins capable d'assurer un minimum d'ordre et de stabilité. Des styles de vie modernes émergent, mais les logiques communautaires continueraient à dominer l'espace social. Cette incapacité des analystes à articuler entre eux des phénomènes apparemment contradictoires ne viendrait-elle pas de leur entêtement à décrypter la condition chinoise à la lumières de substances — le marché, la démocratie, l'État de droit, l'individu, la loi, la contestation démocratique, la classe moyenne, la société civile — dont le monde moderne est censé réaliser l'essence ? L'erreur ne serait-elle pas de restreindre la trajectoire de la Chine à une transition vers une démocratie de marché, par dissolution du politique et de l'histoire ? Migrations et licenciements, intensification de la production, persistance ou aggravation de la pauvreté, dispositifs disciplinaires, politiques sociales : autant d'événements qui créent des situations nouvelles sans pour autant converger vers une pseudo rationalité supposée moderne. De même, les modes de contestation qui répondent à la mise au travail capitaliste transforment les relations de pouvoir ainsi que les formes de l'État, dans un sens singulier sans que l'on puisse parler du développement d'une société civile qui serait, pour certains, le premier pas vers une forme politique démocratique2 ».

Ce qui a caractérisé la formation du capitalisme en Occident, c'est la mise au travail forcé de tous les prolétaires ayant perdu leurs moyens de production (agricoles ou artisanaux) ou ne possédant que leur force de travail par la mise en place d'un « marché du travail ». Nous allons voir que ce n'est pas si simple dans le cas de la Chine.

Tout d'abord, il faut revenir sur le passé et faire pièce contre certaines idées reçues :

1- Dans la Chine « socialiste » qui se développe à partir de 1949 et ce contrairement à ce qui existait dans la Chine nationaliste du Guomindang, il n'y avait pas de marché du travail, au sens classique du terme, c'est-à-dire de marché libre d'une force de travail assimilée à une marchandise. Ouvriers et employés constituent des statuts réservés (fonctionnarisés) et les ruraux n'y ont pas accès ou alors c'est dans le cadre de quotas fixés par la bureaucratie du pcc. De fait, en 1949, les ouvriers ne sont que trois millions avec différents statuts qui ont été unifiés à la libération de l'occupant japonais. L'unification se fait sur des bases qui n'ont que peu à voir avec l'exploitation capitaliste car le but des nouveaux dirigeants n'est pas le profit, ni d'ailleurs la réussite économique. Les travailleurs dépendent d'unités de travail (danwei) et non pas d'entreprises strictement définies. Ils ne leur vendent pas leur force de travail pour un temps déterminé et une tache précise. Ils sont salariés fonctionnaires3. Le travail est un droit et le salaire (bas) est garanti4.

De l'existence de ce salariat, Ch. Reeve, dans Le tigre de papier. Sur le développement du capitalisme en Chine (1949-1971) en déduit qu'il y a capitalisme puisque selon Marx, qu'il cite en exergue de son introduction : « Le Capital suppose le travail salarié, le travail salarié suppose le Capital. Ils sont la condition l'un de l'autre ; ils se créent mutuellement » et selon Engels : « Ni la transformation en société par actions ni la transformation en propriété de l'État, n'enlève aux forces productives la qualité de Capital ». C'est très bien de citer les pères fondateurs du sanctuaire théorique mais encore faut-il les lire correctement. Où est-ce que Reeve lit qu'ils ont parlé de capitalisme5 ? La confusion semble évidente entre Capital et capitalisme. C'est très courant chez les communistes de gauche6 et nous y avons participé aussi. C'est parce qu'il nous semble nécessaire de clarifier ce point que nous venons d'écrire le texte « Capital, capitalisme et société capitalisée7 ».

Quant aux « travailleurs » des camps de travail et aux ouvriers des petites entreprises, la coercition qu'ils connaissent relève plus de la punition ou des conditions propres au « mode de production asiatique8 » que du capitalisme. Les individus sont en effet assignés à résidence et les tickets de rationnement sont restés efficaces jusqu'aux années 80 pour éviter un exode rural trop massif en fixant les individus sur les lieux où ils peuvent toucher une aide sociale.

Cette main d'œuvre a servi aux travaux de type pharaonique que le régime a su imposer. Quand ce réservoir ne suffisait plus, c'est la mobilisation idéologique des masses qui devaient conduire à « soulever les montagnes ». Là encore on retrouve un mouvement non capitaliste à l'œuvre : au lieu d'augmenter la productivité du travail dans l'agriculture pour dégager des surplus et de la force de travail pour l'industrialisation, c'est de la force de travail simple puisée dans les villes qui est renvoyée dans les campagnes pour réaliser les « travaux hydrauliques » habituels aux différentes dynasties impériales et repris par la « dynastie rouge9 ». Toutefois, il est sûr que ces travaux d'infrastructure peuvent éventuellement servir de base pour une « croissance » capitaliste… si le problème de l'unité supérieure est résolu plus tard.

Il est donc évident que le but stalinien de la production pour la production, au moins dans le secteur des biens de production, commun aux russes et chinois, n'est pas l'accumulation élargie au sens de Marx mais uniquement une accumulation au sens quantitatif du terme. L'accumulation de capital fixe fonctionne davantage comme trésor de guerre que pour réaliser la reproduction élargie. Le fait que celle-ci soit d'ailleurs le plus souvent un échec n'a d'ailleurs jamais vraiment gêné ces régimes (sauf dans l'agriculture évidemment) parce que le but principal n'a jamais été le profit. Comme en urss, le seul secteur qui fonctionne à peu près n'est pas un secteur « économique », mais un secteur dominé par le politique et par l'unité supérieure : c'est celui du pétrole, de la recherche nucléaire et électronique. Ce que nous avons qualifié de secteur de la puissance et c'est le seul qui compte vraiment, le seul qui n'a jamais eu besoin de « réformes » ! C'est bien la preuve que le mpa n'est pas « détruit » aussi facilement que le pense Reeve car le mpa n'est justement pas un mode de production au sens strict (seul le mpc l'est) ; le mpa est plutôt un mode d'organisation de la domination qui se sert de « l'économie » selon les intérêts de l'unité supérieure. Ces intérêts peuvent être de brimer l'initiative privée comme nous l'avons vu à la note 8 ou au contraire de la faciliter comme l'avait déjà fait, à une plus petite échelle qu'aujourd'hui, les Ming et les Qing avant les guerres de l'opium. J'y reviendrai plus loin. Cette particularité est aussi ignorée par Cajo Brendel (op. cit.) dont les caractérisations sont particulièrement décevantes : lutte de classes depuis plus de 2000 ans en Chine avec des philosophes comme Confucius et Lao Tseu (inspirateur du taoïsme) qui représentent deux classes opposées (p. 60 sqq.)10 ; « absolutisme des empereurs mandchous » (p. 3), « féodalisme » (p. 5) avant les années 20, capitalisme dès les années 50 avec… le partage des terres par les paysans et l'appel aux intellectuels pendant la période des « Cent fleurs11 » ; existence d'une nouvelle classe (p. 27) moins puissante qu'en urss car le pcc est beaucoup plus fort que le pcus ! (p. 30) et les « managers » chinois n'auraient pas trouvé leur « idéal-type » représenté par… Kossyguine ! (p. 36). En fait, la nécessité marxiste, pour Brendel, de conserver une succession déterminée des modes de production le conduit premièrement à mythifier le système économique soviétique, même si c'est pour le critiquer du point de vue politique, deuxièmement à ne pas comprendre que le parti communiste chinois représente, involontairement, une actualisation de « l'absolutisme » politique propre au mpa.

2- Comme nous venons de le dire, le but de l'activité productive n'était pas le profit12 et la plupart des prix des biens de production étaient fictifs. Comme dans l'urss stalinienne le but de l'accumulation est la puissance du régime et non pas la valorisation du capital. Cela explique en partie l'absence de taylorisme13 en usine et une défiance historique et politique contre l'usage des machines et de la technique14 (cf. la lutte entre les deux lignes », la rupture avec l'urss). L'absentéisme n'est pas systématiquement poursuivi15 et les jours chômés nombreux surtout une fois les objectifs du Plan remplis. Une situation particulièrement favorable à cette classe ouvrière des grandes entreprises d'État (par rapport aux autres couches de la société évidemment) va apparaître après la Révolution Culturelle. Le rythme de travail va baisser très nettement, les grèves vont se succéder et des avantages sont accordés pour récompenser cette fraction de la classe qui est malgré tout, dans son ensemble, restée favorable à l'ordre établi pendant la révolution culturelle, au moins au niveau d'un soutien passif ; à l'inverse de nouvelles fractions qui auraient été à la pointe d'une dimension libertaire de la révolte contre les cadres de la bureaucratie et du parti.

3- L'économie marchande va donc se développer à l'extérieur du système des danwei dans les zones spéciales crées par l'État. Elle concerne surtout le secteur des biens de consommation. Parallèlement s'opère une mise au travail des paysans un peu particulière. En effet, il n'y a pas passage à une agriculture intensive pour libérer de la main d'œuvre par hausse de la productivité, mais retour à l'exploitation familiale16 pour fixer sur place de la population surnuméraire et ainsi n'en libérer qu'une partie qui va constituer un nouveau groupe, « les migrants » qui sont sans statut. Ils répondent à la définition du prolétaire comme un « sans réserve ». Ces paysans sans terre soit vont gonfler la population des villes en y occupant une situation irrégulière puisqu'il n'y a pas de marché libre du travail (environ 75 millions d'individus qui travaillent dans le bâtiment, les travaux publics, l'hôtellerie et la restauration), soit ils vont être embauchés sur place (environ 75 millions aussi) par des paysans enrichis qui ont racheté des petites entreprises industrielles locales. Ils ne sortent pas de leur province d'origine et ne travaillent donc pas dans « les ateliers du monde » de la côte17.

La participation accrue de la Chine au commerce mondial fait que l'agriculture n'est pas une source d'accumulation sur la base d'une exploitation du travail de la paysannerie18, mais l'État en tire des revenus par un système de taxation et surtout par des surtaxations exceptionnelles de la part des autorités locales pour réaliser des équipements collectifs qui passent parfois par des expropriations. Ces dernières donnent lieu à une forte contestation paysanne et remettent en cause une certaine alliance qui s'était tissée dans les campagnes entre villageois et petits cadres locaux. Les paysans prennent d'ailleurs de nombreuses initiatives en menant des campagnes d'information par l'intermédiaire de la presse locale et en circulant de villages en villages. Il semble d'ailleurs co-exister des mouvements pour une plus grande liberté d'entreprendre et d'autres révélant une sorte de néo-maoïsme contre les profiteurs et les bureaucrates corrompus qui prennent une forme plus militaire (« armée anti-corruption du peuple », « Colonne du Yangzi du Sud-Ouest »).

4- Dans un premier temps, la mise au travail ne concerne pas tant l'ancienne classe ouvrière relativement protégée pour des raisons politiques et centrée sur une industrie lourde aux techniques obsolètes et à la main d'œuvre pléthorique, que des nouvelles couches formées par des migrants de l'intérieur. Ces couches connaissent des conditions qui relèvent davantage du semi-esclavage ou du bagne que du travail capitaliste. En tout cas la force de travail, surtout féminine, n'y est absolument pas « libre », même au sens formel du droit bourgeois. Des dortoirs aux règlements intérieurs draconiens, des interdictions de se rendre en centre ville pour ces immigrés de l'intérieur en disent long sur la nature de l'État chinois. Nous y reviendrons, mais il faut savoir que même dans la production « concentrationnaire » les choses évoluent et que l'apparition de l'argent, comme toujours, a un rôle dissolvant. Toutefois, les syndicats ne jouent absolument pas un rôle minimum de défense de la force de travail car ils ne sont pas du tout habitués à cette nouvelle situation qui fait intervenir trois protagonistes : deux anciens, l'État et les travailleurs et un nouveau, les patrons. Or, incapables de se démarquer de l'État, ils laissent souvent les travailleurs seuls face aux patrons. C'est pourquoi, au début des années 80, des ouvriers de grandes entreprises de Shanghai et Wuhan ont réclamé des syndicats indépendants, mais cela ne s'est pas fait dans le même esprit qu'en Pologne. Il semble que ces salariés voulaient obtenir des contrats mieux négociés et une reconnaissance de leur participation à la production de la richesse par un salaire moins politique et plus adapté à leur participation à l'effort.

Ce n'est qu'à partir des années 90 que la danwei va être démantelée avec le passage à des contrats de travail à durée déterminée, l'ouverture de centres de réemploi et l'attribution d'allocations chômage. Toutefois, le processus de création d'un libre marché du travail est lent et les travailleurs licenciés restent parfois pris en charge par l'ancienne unité de travail avec la possibilité « d'aider » les petites entreprises alentour19. En fait, cette situation perdure tant que la restructuration de l'unité centrale de production n'est pas achevée. Quand celle-ci survient, cela débouche souvent sur une situation « à la Lorraine », par exemple dans les villes sidérurgiques sinistrées comme Shenyang, la capitale du Liaoning (ex-Mandchourie), haut lieu de la première industrialisation chinoise.

Là encore on peut constater que les transformations actuelles posent la Chine à un niveau immédiatement moderne de la crise du travail (inessentialisation de la force de travail et tendance à la valorisation en dehors du travail vivant) avec la liquidation progressive des industries lourdes, bases de la construction d'un « socialisme à la chinoise » et les conséquences qui en découlent pour les membres de la vieille classe ouvrière chinoise. Ces salariés qui formaient une certaine aristocratie du travail ne se voient plus proposer que des emplois publics par la ville avec une baisse conséquente du salaire (de l'ordre du tiers) pour un travail qu'ils jugent déqualifié (auxiliaire de circulation, aide-jardinier) et peu compatible avec leur identité ouvrière et leur dignité.

5- La Chine n'est pas « l'atelier du monde ». En effet, le commerce extérieur ne participe que pour un quart à la croissance du pib chinois, une croissance maintenant tirée par la demande intérieure20. C'est cette demande intérieure qui doit être stimulée pour réduire les excédents et l'épargne. Ces excédents sont d'ailleurs plus importants en masse qu'en pourcentages (3% du pib contre 4 à l'Allemagne, 11 à l'Argentine, 21 à la Malaisie et 33 à Hong-Kong). Cette exigence est encore rendue plus urgente par les effets de la crise globale de 2008. En outre, si les Chinois exportent, il ne faut pas oublier que leurs exportations nécessitent l'importation de composants étrangers. La richesse proprement crée par la Chine n'est donc pas si élevée.

Ces productions pour l'exportation sur la bande côtière qui s'étend de Canton à Shanghai se réorientent d'ailleurs de plus en plus vers des secteurs à plus haute valeur ajoutée, dans l'information par exemple avec un développement du chômage et des petits boulots dus à la substitution capital/travail qui en découle. Les fameux « ateliers du monde » se redéploient vers les régions centrales et orientales du pays.

6- La Chine connaît un processus très différent de l'histoire des pays occidentaux dominants. La révolution de 1911 ne débouche pas sur un capitalisme, même d'État. En effet, il ne se produit pas de transformation des rapports sociaux à la campagne. Et on sait la catastrophe bolchevique que fut l'essai de révolution dans les campagnes en urss pendant la lutte contre les koulaks.

Cette question de la caractérisation de la première révolution chinoise est problématique. Par exemple, un communiste de gauche comme Cajo Brendel, dans Thèses sur la révolution chinoise parle de féodalisme en Chine ; mais il se trouve alors dans l'incapacité d'expliquer pourquoi 1911 n'a pas, en tant que révolution bourgeoise, débouché sur le capitalisme. En fait, comme le dit Brune (P. Souyri) dans Socialisme ou Barbarie21, quelques années ont suffi pour transformer le grand capitalisme chinois (le capitalisme financier internationalisé de Shanghai qui correspond au capitalisme du sommet pour parler comme Braudel) en monopoles fonctionnarisés. Cela sera aussi facilité par l'écrasement de la Commune de Canton en 1927. Retour au mode de production asiatique (cf. notre annexe) et à l'impersonnalité de l'unité supérieure. Seule la bourgeoisie « compradore » continue à faire circuler de la valeur. Elle fait circuler mais elle ne produit pas. Les formes dites antédiluviennes du capital selon la formule de Marx, dont le capital commercial, existent mais sans que la greffe du mpc prenne. De là, la difficulté à passer à une analyse de la bureaucratie en terme de classe alors que l'unité supérieure n'est pas vraiment détruite.

Ensuite, tout l'appareil bureaucratique du Guomindang passera sans difficulté au pcc. Cela montre les difficultés de l'implantation d'un mpc en Chine. De l'État du mpa à l'État du pcc, certes mais est-il possible de franchir l'étape fondant l'État-capital, là est la question !

Une fois encore se manifeste la plasticité du capitalisme et sa capacité à se fondre dans les rapports sociaux existants, à les englober plutôt qu'à les dépasser. La dynamique du capitalisme est une véritable négation de la dialectique hégélienne et le marxisme ne peut en sortir sain et sauf. Si on prend l'exemple de la propriété, on s'aperçoit que les formules habituelles sur la privatisation, la transition vers l'économie de marché ne rendent pas compte de la réalité qui fait que c'est moins la question de la propriété22 que celle du contrôle des mécanismes d'accumulation qui est en jeu (nous assistons au même processus en Russie). La Chine participe de la globalisation actuelle en ce que le capital n'a jamais été vraiment propriété privée, sauf dans ses marges (la diaspora). La propriété reste le plus souvent abstraite et d'apparence collective. En dernier ressort tout appartient encore à l'unité supérieure. Le riche et le puissant ne sont que des dépositaires partiels et ponctuels. On peut jouir de sa puissance, mais elle ne nous appartient pas. Le capital n'est pas porté par une nouvelle classe mais par de nouvelles pratiques à l'intérieur même des cercles de pouvoir. On ne peut mieux dire que « les capitalistes » sont « rouges » ! D'ailleurs, les postes-clés sont réservés aux hauts fonctionnaires de carrière alors que les affairistes, artistes et sportifs ou intellectuels doivent se contenter d'un statut intermédiaire.

Dans ces cercles, la « jeunesse dorée » composée d'enfants de généraux et de hauts fonctionnaires joue un rôle important dans la formation de sociétés commerciales orientées vers les échanges avec Hong-Kong et Macao. Le gouvernement cherche vainement à s'y opposer tant les réseaux de la bureaucratie recoupent les réseaux familiaux. Cela vérifie ce que disait M. Djilas23 il y a déjà cinquante ans : « L'exercice du pouvoir et la participation au gouvernement sont identiques à l'usage, à la jouissance et à la libre disposition de presque tous les biens de la nation dans la mesure où la chose publique est, en quelque sorte, considérée comme une chose privée24 ». Reste à savoir si ce mouvement de désagrégation de l'unité supérieure représentée encore par l'État va connaître des limites.

L'Orient n'est pas rouge

On assiste donc moins à une mutation de la classe ouvrière et à sa recomposition qu'à sa disparition en tant que classe productive unifiée.

La classe ouvrière traditionnelle des grandes entreprises est en voie de disparition et un scénario à la Solidarnosc est donc peu probable d'autant qu'elle s'appuie encore parfois, pour faire entendre sa petite différence, sur les syndicats officiels. En effet, une stricte coupure entre les ouvriers urbains et l'État n'est pas décelable de la même façon que les luttes paysannes ne sont pas indépendantes des différentes fractions de la bureaucratie, locales ou nationales. Cette classe ouvrière, urbaine de longue date, est en grande partie dépossédée de son rôle productif, mais non de son importance sociale car elle représente plus de la moitié de la population citadine. L'État est obligé d'en tenir compte en développant une politique sociale proche de celle des États-Providence occidentaux. La gestion sociale de la conflictualité explique que la question de la démocratie reste très à l'arrière-plan. Enfin, même dans le mouvement étudiant avant 1989, au-delà de revendications démocratiques (cf. le Solidarnosc des étudiants de Beida à Pékin) déjà présentes dans les mouvements de 1978-79 et de 1986, on trouvait une volonté de maintenir une différenciation sociale en jouant le jeu d'une bureaucratie réformiste (soutien à Hu Yaobang) contre la fraction portée vers l'auto-recrutement25. C'est ce qui explique aussi la situation inversée des rapports étudiants-ouvriers pendant la grande révolte de 1989. La révolte est partie du mouvement étudiant c'est le point commun avec les pays capitalistes occidentaux et le Japon. Mais alors que dans ces derniers le mouvement critiquait tous les privilèges (lutte contre la sélection de classe) et en appelait en vain à l'unité avec la classe ouvrière, en Chine ce sont les étudiants qui ont établi des cordons de sécurité pour empêcher les éléments avancés de l'Union autonome des ouvriers de Pékin26 de les rejoindre. Ils ont ensuite appelé à la grève générale quand la répression militaire a commencé, mais il était trop tard. Les militants ouvriers de l'Union n'avaient pas réussi à créer des comités d'usine et ils sont restés isolés à la retombée de la révolte, même si, dans des quartiers, les affrontements ont été violents mais plutôt de l'ordre de la furie populaire (pillage de magasins, bâtiments officiels brûlés, affrontements avec la police) que de l'insurrection prolétarienne. À leur actif, néanmoins et ce n'est pas négligeable, le blocage de l'avancée des troupes dans la nuit du 20 mai avec comme conséquence directe le plus lourd tribut payé à la répression, ce qui est bien sûr oublié par toute la presse occidentale.

Au-delà de la difficulté d'expression politique libre, les luttes se situent rarement autour de grands principes ou de références idéologiques. Les conflits du travail sont réglés comme des problèmes administratifs par l'intermédiaire du syndicat officiel et même lorsque les revendications débordent les institutions, la contestation est centrée sur le statut. C'est peut être d'ailleurs ce qui expliquera la situation si ambiguë de cette classe ouvrière pendant la révolution culturelle : à la fois conservatrice par rapport au statut mais revendicatrice quant à la remise en cause des hiérarchies entre cadres et ouvriers au sein d'une société qui se dit socialiste.

La situation va commencer à changer à partir des réformes du milieu des années 80 qui visent des dégraissages dans le secteur public27 et un meilleur lien entre productivité et rémunérations. En fait, la résistance, comme souvent en Chine, va être très composite et inter-classiste. Ouvriers, directeurs d'usines, dirigeants locaux de la bureaucratie ont fait front contre l'individualisation et la contractualisation des rapports sociaux. Côté ouvrier cela s'explique par la volonté de maintenir en l'état la communauté du travail constituée par les danwei, communauté source d'égalité entre ouvriers urbains, mais aussi de fournitures de biens de consommation particuliers alors que les prix de marché s'envolent ; source de sécurité aussi face au marché du travail en développement. Il ne s'agit donc pas d'une opposition de principe à l'économie marchande. En effet, de nombreux urbains y compris ouvriers commencent à monter de minuscules entreprises marchandes, mais en gardant une activité officielle dans le secteur public.

Un secteur public qui représentait encore 66,7% de l'emploi urbain en 1994 ! Les activités marchandes se sont développées en marge de l'emploi public. Dans les zones spéciales, les aspects régionaux et communautaires dessinent encore les hiérarchies internes au travail, mais l'intensification du travail et le despotisme de fabrique y rappellent les débuts de la révolution industrielle en Europe. C'est aussi le secteur de l'exportation. Toutefois, cela reste une activité capitaliste d'enclaves (fixées au sud du pays) peu différente de ce qui se passe en Inde ou au Brésil où l'arrière pays vit en activité d'auto-subsistance. À côté de ce secteur, on trouve les entreprises rurales qui reconvertissent l'économie socialisée de la période précédente en économie marchande, mais sur la base de coûts très bas provoqués par une rente de situation dont profitent les travailleurs locaux (souvent en situation de chômage déguisé) et non pas les migrants. Enfin, dans les villes, la toute petite production privée se développe beaucoup plus sur le mode d'une « économie marchande28 » telle que Braudel29 l'a définie, que comme capitalisme. Ces deux derniers secteurs et la majorité des travailleurs produisent donc en fait pour un marché intérieur qui n'est qu'un élargissement de l'économie de subsistance alors que les médias occidentaux transmettent l'idée qu'il n'y a pratiquement pas de « marché intérieur » en Chine parce que pour eux, donc du point de vue du capital mondial, le seul marché intérieur qui compte est celui qui voit apparaître une classe moyenne, c'est-à-dire la base d'une demande solvable30.

Dans les années 90, la plupart des entreprises publiques vont se transformer en sociétés par actions parcourant le chemin inverse de la prophétie de Marx, mais avec la même conclusion qui est que la question de la propriété n'est plus fondamentale31 pour la détermination des conditions de la subordination. C'est la fin de la danwei avec une fourchette de licenciements entre 1993 et 2003 entre 40 et 60 millions. Les taux de réemploi seraient aux alentours de 30%32. On peut considérer cela comme un véritable eugénisme social contre la fraction ancienne, « communiste » de la classe ouvrière chinoise, jugée politiquement peu sûre par rapport aux réformes et inaptes à s'adapter au nouveau procès de travail. La perte de statut et d'identité semble encore plus forte que pour les travailleurs « garantis » des pays dominants dont le mode de vie n'avait déjà plus guère de rapport avec le modèle ouvrier traditionnel. La Chine va passer en moins de vingt ans, dans les villes, du modèle de l'emploi à vie au modèle européen du traitement social du chômage (pré-retraites, emplois « aidés ») accompagné d'une responsabilisation accrue des « perdants » de la restructuration car la Chine, contrairement aux idées reçues crée moins d'emplois et surtout de moins en moins d'emplois stables. L'emploi « informel » se développe de façon exponentielle pour réduire l'écart entre offre et demande d'emplois (24 millions d'entrants sur le marché du travail et seulement 12 millions d'ouverture d'emplois « formels »), ce qui la rapproche ici de la situation des pays en développement. Mais la Chine est aussi immédiatement située au niveau de la crise du travail que connaissent les pays dominants qui se caractérise par l'inessentialisation de la force de travail. Simplement, la contradiction est encore plus grande pour un pays qui maintient le principe du droit au travail et l'idée de rééducation par le travail alors que parallèlement il produit de plus en plus de « sans » (sans travail, sans papiers, sans domicile fixe).

Ce point est important parce qu'il invalide les perspectives qui partent de l'idée que la Chine va reparcourir tout le cycle de développement capitaliste européen de l'époque de la révolution industrielle, en passant par la domination formelle du capital puis la domination réelle33 et donc parallèlement l'apparition d'une classe ouvrière compacte base de la lutte de classe, etc.34. Elle est actualisée aujourd'hui, dans certains cercles marxistes qui reprennent l'idée d'une nouvelle division internationale du travail qui verrait se produire un déversement des emplois industriels des pays dominants en direction des pvd et surtout des pays émergents35. G. Bad, de la revue Échanges (n°93, 2000), cite l'exemple d'une Chine qui aurait multiplié en vingt ans son nombre de salariés dans l'industrie, soit une progression de plus de 100 millions. Que valent ces chiffres si on n'en connaît pas l'affectation ? Or l'essentiel des créations d'emplois « productifs36 » n'est pas lié à des transferts externes de main d'œuvre mais à des transferts internes engendrés par le développement d'activités destinées à satisfaire les besoins primaires de la population. Une très faible proportion de ces emplois correspondrait à des délocalisations occidentales (environ 5 millions sur 200 millions d'emplois non agricoles crées37) qui restent marginales par rapport aux délocalisations de seconde génération en provenance de Hong-Kong, Singapour et Taiwan. D'autre part, les quelques délocalisations occidentales ne visent pas un abaissement du coût du travail38, mais un droit d'entrée sur le marché intérieur chinois jugé prometteur. Les entreprises occidentales qui rachètent des entreprises publiques se dépêchent souvent de licencier le personnel local surabondant pour pouvoir appliquer les critères occidentaux du fordisme ou ceux du toyotisme. En fait, la majorité des emplois créés se situe dans le secteur des petites entreprises en milieu rural39 pendant que les grandes entreprises publiques licencient par dizaines de milliers ce qui fut le fer de lance de la classe ouvrière chinoise et la base du pcc. Loin de se reconstituer ou de se recomposer, la classe ouvrière chinoise subit le même processus d'éclatement que dans les pays du capitalisme dominant. De la même façon que la crise financière est aujourd'hui immédiatement globale, la crise du travail en Chine se porte immédiatement à ce niveau alors même que la masse de ses travailleurs potentiels ne vit pas encore pleinement ces conditions. Les paysans sans terre chinois ne constituent pas davantage une armée de réserve du capital pour la Chine que la masse des afro-américains des ghettos US ou de nos banlieues n'en constitue une. Le maintien des interdictions de circuler pour la main d'œuvre non urbaine n'est certes pas toujours bien respecté, mais il est cohérent avec un système qui n'est pas régi globalement par des lois du marché qui le feraient immédiatement exploser si elles étaient appliquées partout sans restriction. Comme toujours en Chine, la vision du pouvoir est stratégique40.

D'autres phénomènes comme le rôle de plus en plus important joué par le capital financier, la spéculation mobilière et immobilière ou encore l'économie criminelle (jeu, drogue, racket fiscal) dans l'économie chinoise démontrent une marginalisation du travail vivant comme source de valorisation. Comme dans le monde entier, un nombre de plus en plus important de prolétaires sont reproduits (plus ou moins bien et l'État chinois a commencé à en tenir compte) en dehors de la sphère officielle de la production, soit en tant que prolétaires au sens restreint de « sans réserve » et non en tant qu'ouvriers, soit à travers des systèmes diversifiés d'allocations qui compensent l'absence d'État-providence, soit en activant des relations familiales ou encore des relations mafieuses en rapport avec les triades de Hong-Kong et Macao.

Il ne faut donc pas confondre une paupérisation réelle d'une partie de la population chinoise (celle qui est victime de la modernisation et du développement) avec une prolétarisation effective du type de celle qu'a connu l'Angleterre au moment de la première révolution industrielle.

En Chine comme dans les pays occidentaux, le travail industriel tend à devenir obscène et doit être caché à la vue de tous. Il prend alors des formes souterraines pendant que l'activité des manipulateurs de symboles éclate au grand jour. Il est donc illusoire, pour les marxistes en quête de l'éternel sujet révolutionnaire, d'escompter un échange standard de prolétariat. La globalisation, c'est aussi cela. Les pays en voie de développement ne sont plus « en retard » et ils ne vont pas parcourir à nouveau tout notre cycle historique, aussi bien du point de vue du capital que de celui du travail. Dans les pays les plus touchés par la capitalisation, ce sont les conditions les plus modernes qui s'imposent, provoquant à terme, il n'en faut pas douter, des conditions de chaos et de luttes qui ne verront pas se reproduire le processus historique originel qui a pris la forme de : constitution de la classe en soi, puis prise de conscience et classe pour soi, etc. Les prolétaires chinois qui se sont confrontés à la « Grande Révolution Culturelle chinoise » et les prolétaires de Bombay habitués aux longues grèves du textile ne sont pas des zombis. Eux aussi n'ont plus d'identité ouvrière à affirmer et quand ils tuent des patrons comme cela vient encore d'arriver en Inde, ce n'est pas pour prendre leur place, mais le procès d'individualisation étant moins développé dans ces pays, une hausse de la tension individu/communauté a tendance à passer par la réactivation des identités communautaristes ou nationalistes plutôt que par les luttes de classes.

Les conflits qui opposent salariés et employeurs concernent surtout les travailleurs migrants. Face à ces conflits les autorités interviennent peu ; ce qui revient à prendre partie pour les employeurs. Les rares interventions semblent concerner les cas d'une certaine ampleur où il y a risque de voir se développer un mouvement vers l'organisation ouvrière autonome. Au niveau local la réponse des autorités peut être différente en appuyant parfois la constitution de syndicats de travailleurs migrants, mais ces expériences restent limitées car elles contredisent la réglementation centrale sur les syndicats.

Il n'y a pas de changement d'orientation idéologique à propos du syndicalisme. Il reste une simple courroie de transmission, mais la diversité des conditions explique des aménagements pour conserver un contrôle d'ensemble. Ainsi des sections syndicales se créent dans les entreprises étrangères et dans certaines grandes entreprises privées. Mais hormis des situations particulières internes à une entreprise, les revendications sont souvent matérielles mais d'ordre très général, indiquant un non fonctionnement du système d'ensemble et non une opposition capital/travail classique : « Nous voulons du travail, de la nourriture » ; « Nous voulons du riz » ; « Nous voulons survivre » ; « Nous voulons des salaires » ; « Nous voulons de l'argent pour vivre » ; « Nous voulons nos retraites ». En fait, la plupart des obstacles à l'instauration d'une société capitaliste demeurent.

D'autres revendications concernent le respect pour les vieux travailleurs ou une nostalgie par rapport aux vraies valeurs du socialisme, une opposition à la nouvelle classe bureaucratique corrompue (cf. « l'affaire » de Liaoyang en 2002), des revendications pour une « économie morale » et le maintien de l'ancienne communauté ouvrière avec ses valeurs d'austérité et de productivisme contre les consommations inutiles ou ostentatoires des cadres ou des nouveaux riches. Dans ce cas-là, c'est souvent toute une ville qui se mobilise comme à Liaoyang ou à Anshan pour défendre l'aciérie locale premier employeur de la région. Mais ces dernières revendications de la vieille classe ouvrière, que l'on retrouve d'ailleurs en Russie, ne trouvent que peu d'écho car elles ne constituent qu'une survivance idéologique d'un groupe devenu hors jeu dans le développement actuel de la puissance chinoise. Hors jeu mais pas sans influence parce qu'il reste groupe majoritaire en ville et facteur de stabilité tant que les migrants peuvent être canalisés par le système du hukou. Il y a donc une contradiction entre la place historique (fondamentale) de ce groupe dans l'idéologie de la construction du socialisme et sa place actuelle (restreinte) dans le procès de valorisation. Les ouvriers ont l'impression qu'on leur prend tout. Ils sont exclus de la stratégie d'alliance entre bureaucratie/intellectuels et nouvelle élite. Avec les paysans, les ouvriers sont ceux qui ont le moins le droit à la parole. En toute logique ce groupe est peu favorable au changement, c'est-à-dire à la création d'une société civile et d'un État du 2e type, un État démocratique. C'est un point non négligeable car si on observe l'ensemble des mouvements de lutte en Chine, on s'aperçoit que le régime fait le tri entre revendication et dissidence. Tant que le mouvement n'est pas considéré comme dissident41 (c'est-à-dire politique), la répression est mesurée.

Les cadres bureaucratiques de niveau intermédiaire ne sont guère mieux lotis par rapport au développement d'une catégorie de « nouveaux riches », mais ils ont l'avantage de pouvoir faire jouer leur pouvoir administratif avec tout le système de corruption qui l'accompagne42. Ils n'ont en effet nul « esprit du capitalisme » et leurs pratiques de spoliation et de dépenses somptuaires l'emportent sur celles d'épargne et d'investissement. Ils freinent le développement des nouvelles élites d'entrepreneurs privés qui ne possèdent pas de relais politiques.

La situation est un peu différente dans les campagnes où semble se mener une « modernisation conservatrice » (Rocca, op. cit.) qui lie paysans propriétaires et bureaucrates locaux à travers une démocratie participative qui n'est pas à l'instigation de la base mais bien de cadres bureaucrates qui y ont vu la possibilité de mieux faire passer l'esprit des réformes. La légitimité démocratique viendrait renforcer la légitimité bureaucratique. Cette alliance est toutefois instable car les paysans enrichis par la possibilité de salarier les paysans pauvres sans terre poussent à toujours plus d'économie de marché ce qui est contradictoire avec le contrôle qu'exerce encore sur eux une bureaucratie locale qui continue à appliquer une politique de « despotisme oriental » (cf. notre annexe) faite de taxations et surtaxations.

L'échec de l'État, qu'il soit bureaucratique-socialiste ou bureaucratique-néocapitaliste, transparaît aussi dans le développement de la criminalité qui est une des formes que prend la crise sociale. Dans le milieu des années 70, les jeunes instruits apparaissent comme le groupe dominant de la population délinquante. En effet soit ils sont d'anciens Gardes rouges désabusés soit ils ont été envoyés dans les campagnes et veulent absolument rentrer en ville alors qu'ils n'en ont pas l'autorisation. Ils s'organisent alors souvent en bandes pour faciliter une condition de semi-clandestins urbains. Mais dès la fin des années 70, jeunes ouvriers et jeunes chômeurs supplantent les jeunes instruits43. Toute l'année 1983 et début 1984, les autorités vont procéder à des arrestations massives afin de défendre l'ordre social et la sécurité44. Mais cette répression a un fondement inversé par rapport à la précédente. Jusque là, c'était le contre-révolutionnaire qui était criminalisé alors que maintenant c'est le criminel qui est « politisé » en contre-révolutionnaire. Pour cette répression, le régime réactive des milices ouvrières qui feront merveille pendant la répression du mouvement de 1989, surtout dans les quartiers ouvriers où l'agitation atteignait un certain niveau. De façon parallèle le nombre de vagabonds est en augmentation constante. Ce ne sont pas seulement d'anciens paysans déracinés et au chômage, mais aussi des jeunes déscolarisés d'un système qui ne favorise qu'un enseignement pour une élite et qui de toute façon méprise la condition d'intellectuel.

La question de l'État

On entend souvent dire à propos de la Chine, qu'il y aurait un « retard » de la sphère politique sur le développement économique, voire sur le social. D'où les recherches sempiternelles pour savoir s'il existe ou non une « société civile » en Chine et aussi la place que pourrait y prendre la démocratie dans la croissance et le développement. En fait, pendant longtemps, le régime maoïste a surdéveloppé la question politique ce qui l'a empêché de traiter « la question sociale ». Cela a atteint son point culminant pendant la Révolution Culturelle puis pendant la brève période de domination de « la Bande des quatre » qui a essayé d'imposer une restructuration totalitaire des rapports sociaux. La reprise en main par Deng Xiaoping va allier modernisation économique et transformations sociales. Cela aboutira progressivement à ce à quoi on assiste aujourd'hui avec un phénomène de socialisation de la politique qui voit des individus ou groupes traîner l'État devant les tribunaux, une population des villes qui adopte bien souvent un comportement de consommatrice de services publics du même type qu'en Occident et des habitants de zone rurale pousser à la création d'organismes de défense indépendants. L'application des politiques économiques et les ambitions technocratiques sont souvent sous le contrôle d'un « social » qui prend plusieurs formes. Tout d'abord la forme de politiques locales qui viennent contredire celles de l'État central ; ensuite, celle de relations sociales sur des bases familiales, affectives qui contrecarrent le pouvoir dissolvant des relations marchandes et peuvent servir, le cas échéant, de bases-arrières à la contestation du système45.

En fait, il est difficile de comprendre les particularités de l'État chinois et c'est pour cela que la plupart du temps, les observateurs étrangers, mais aussi les intellectuels progressistes chinois posent la question en terme de démocratie comme si c'était la question de la forme qui était importante et non pas celle de la nature de cet État46. Un État qui s'est forgé une unité qui remonte à 3000 ans et une structure stable malgré toutes les guerres qui s'y sont déroulées. Une structure prenant la forme d'une nomenclature hiérarchisée basée sur le modèle familial. À partir de là, nos distinctions traditionnelles entre profane et religieux, entre privé et public, entre sphère politique et société civile n'ont aucune pertinence. Le pouvoir de type impérial y a été nécessaire parce que toute la réalité sociale était pyramidale et hiérarchique47. Ce pouvoir n'était soumis à aucune transcendance car il était lui-même la transcendance chargée d'équilibrer les différentes forces48. Le pcc a réintroduit cette distinction entre deux sphères dans un art de la domination (la dimension stratégique du jeu politique) qui transparaît dans des épisodes historiques comme ceux du « Grand bond en avant » et de la « Grande Révolution Culturelle ». Il a cloisonné la société chinoise de façon à maintenir une domination de type traditionnelle qui perdure encore aujourd'hui dans la nostalgie de certains pour l'époque de Mao, personnage transcendant justement les images de corruption qui collent au pouvoir de la bureaucratie locale et les images de désordres liés aux conflits latents ou déclarés entre forces sociales49. Cette conception ne laisse aucune place à la notion de contre-pouvoir et a produit, à la longue, une véritable religion de l'État.

Le moins qu'on puisse dire, sans pour cela tracer des perspectives, c'est que ce type de pouvoir est particulièrement inadapté aux transformations en cours. Transformations internes qui demandent contractualisation, lois et limitation de la puissance publique, transformations externes qui imposent à la Chine une participation au concert des nations non seulement au niveau des échanges économiques mais aussi au niveau politique dans le cadre d'institutions de plus en plus supranationales. La Chine n'est donc pas le concurrent des États-Unis pour le futur leadership mondial. Son mode actuel de développement est en effet très différent du modèle soviétique autocentré reposant sur un complexe militaro-industriel source de gaspillage et de crise à l'intérieur et de course aux armements agressive à l'extérieur. Ses réserves monétaires sont trop peu diversifiées et reposent essentiellement sur le dollar ce qui rend les deux pays complémentaires plus que concurrents. Finalement, la Chine possède une longue tradition de pénétration du capital étranger en son sein, ce qui peut l'aider à asseoir sa nouvelle puissance sur « le Progrès50 », mais la direction et le contrôle n'ont pas changé. Les drapeaux rouges flottent sur les grandes tours en construction, sur les banques51, les hôtels et les stades mais cela veut-il dire qu'une greffe occidentale peut prendre sur un pays comme la Chine ? A moyen terme, je ne le pense pas et pour plusieurs raisons :

– Maintien du caractère despotique de l'État chinois (à court terme du moins). À cet égard la prédiction de Deng en 1989 se réalise (« en tuer 2000 pour gagner 20 ans »).

– Encore plus qu'en Russie, l'importance de la corruption sert de forme de régulation car tant qu'elle reste impulsée ou en tout cas contrôlée par l'État, elle limite l'initiative et l'accumulation privée indépendante.

– Le modèle de développement capitaliste n'est plus exportable aujourd'hui (et a fortiori à long terme). Même les pays du centre capitaliste le reconnaissent dans leurs rares moments de lucidité.

– Le capital ne parvient pas à traiter la question de l'agriculture et des campagnes. La main d'œuvre agricole n'a pas vraiment subi de marchandisation de sa force de travail malgré un retour à la petite exploitation familiale. Il s'est juste développé un droit privé d'usage et de location des terres à l'intérieur de la propriété collective. Le niveau politique surdétermine cela comme dirait ce bon vieux Mao qui semble avoir lu Althusser, car il s'agit pour le pouvoir de fixer la population rurale et d'éviter un exode trop important que les villes ne supporteraient pas. En fait, à la différence des pays occidentaux riches (et le cas vaut aussi pour l'Inde), les campagnes continuent à servir de possible base arrière… ce qui veut dire que pour ces pays rien n'est encore joué si un mouvement révolutionnaire au niveau mondial se mettait en marche. À l'inverse, ceux qui portent leur espoir sur un mouvement prolétarien communiste chinois se font en fait, volontairement ou involontairement, les thuriféraires d'un développement capitaliste qui relèverait exactement du modèle de développement suivi par les vieilles puissances capitalistes. C'est dans cette pure illusion qu'on trouve aujourd'hui, dans la gauche radicale, des personnes qui se posent encore la question de l'avenir du syndicalisme ou de la démocratie en Chine !

En fonction de tout cela, il est impossible de se poser aujourd'hui la question « où va la Chine ? » Cela ne tiendrait pas compte du maillage particulier réalisé par les processus de globalisation et de mondialisation à l'œuvre. Parler de la Chine comme d'une puissance unifiée qui pourrait concurrencer la puissance étasunienne, c'est ne pas tenir compte de la façon dont aujourd'hui se réalise l'accrochage au cycle mondial de développement du capital. En effet, cet accrochage se situe dans des hiérarchies de niveaux qui traversent tous les pays et nous pensons possible d'inscrire la Chine dans notre perspective des trois niveaux. L'immensité chinoise reste dans le niveau 3 de l'économie à dominante domestique, mais qui connaît aussi des zones de surexploitation. Les travailleurs urbains des grandes usines participent davantage aux échanges au long cours et aux premiers pas d'une société de consommation (les fameuses classes moyennes des pays émergents) qui correspond à un second niveau en pleine réorganisation avec les restructurations des grandes entreprises d'État. Enfin un niveau 1 regroupe certaines grandes entreprises exportatrices, les flux financiers de l'épargne des milliardaires chinois et certaines franges de la bureaucratie et de l'État qui participent au g20 et autres rencontres internationales. Cette hiérarchisation/différenciation des niveaux s'avère aujourd'hui extrêmement difficile à tenir pour une unité supérieure qui reste encore sur le modèle formel du mpa. Cette situation est évidemment grosse de possibles conflits à partir du moment surtout où l'État chinois ne trouverait pas un mode d'articulation entre les trois niveaux. J.-L. Rocca par exemple envisage une sortie par une moyennisation de la société, mais celle-ci suppose la fin du mpa, la création d'une société civile et une forte hausse de la consommation au moins dans les villes. Pour le moment cela reste en contradiction avec les objectifs qui font la force de la Chine dans le niveau 1.

 

Sources récentes :

 

  • J.-L. Rocca, La Condition chinoise. La mise au travail capitaliste à l'âge des réformes, Khartala, 2006 et « En Chine aussi, la crise du travail » (La Gryffe, no 7, 1997), voir aussi, « L'Empire du milieu », Manière de voir-Le Monde Diplomatique.
  • J.-F. Billeter, Chine trois fois muette, Allia, 2000.
  • Hsi Hsuan-wou et Ch. Reeve, Bureaucratie, bagnes et business, L'Insomniaque, 1997.
  • Aufheben, La lutte des classes dans la Chine en transformation, n°16, traduction et résumé par la revue Échanges, été 2008.
  • Cajo Brendel, « Thèses sur la révolution chinoise  » dans le n°4 des Cahiers du communisme de conseil, 1969 et repris dans une brochure d'Échanges et Mouvements, 1978.
  • Simon Leys, Les habits neufs du président Mao, Champ Libre, 1971 ; Ombres chinoises, Laffont, 1976 ; Images brisées, Laffont, 1976.
  • Giovanni Arrighi, Adam Smith à Pékin, Max Milo, 2009.

Annexe

Sur le mode de production asiatique

Pour aller vite, il repose sur une classe fonctionnelle, la bureaucratie, chargée d'organiser le travail collectif dans des conditions géo-climatiques particulières imposant des grands travaux (ce que d'autres auteurs comme K. Wittfogel, appellent les « sociétés hydrauliques »). Cette organisation nécessite la mise en place d'un fort appareil d'État reposant sur une organisation rationnelle et la force. Ce concept que Marx mentionne dès Misère de la philosophie va ensuite être repris dans divers ouvrages où il insiste sur la différence de propriété foncière entre le mode asiatique où la terre est de fait propriété collective représentée par l'État et le féodalisme dans lequel la terre est déjà propriété privée de ceux qui possèdent les fiefs. Mais il se refuse à positionner son analyse de classe sur cet état de fait. L'État semble le seul privilégié du système et il ne mentionne pas les « avantages » des fonctionnaires comme ceux d'une classe bureaucratique. Engels revient là-dessus. Citons Wittfogel : « Puisque ni Marx ni Engels n'avaient expliqué, que sous l'influence du capitalisme étranger, un gouvernement despotique de style oriental pouvait encourager des formes capitalistes modernes d'entreprise privée, Engels introduisait (dans L'Anti-Dühring) un concept nouveau lorsqu'en 1894 il appela la nouvelle bourgeoisie russe une force dominante. Il n'approfondit pas cette question, et ne tenta pas de concilier cette notion avec sa propre position datant de quatre ans plus tôt, sur l'incompatibilité du despotisme oriental et du capitalisme : « La domination turque, comme toute autre domination orientale, est incompatible avec l'économie capitaliste : la plus-value extorquée n'est nullement à l'abri des mains cupides des satrapes et des pachas. Il manque la condition fondamentale, indispensable à l'acquisition bourgeoise : la sécurité de la personne et de la propriété du marchand ». La question semble alors close : une classe est définie par son rapport à la propriété privée des moyens de production (classe dominante) et non pas par sa domination (classe dirigeante) ou par sa gestion52. Wittfogel suppose que Marx aurait reculé sur cette question à cause des attaques de Bakounine contre un État socialiste et une nouvelle classe dominante. Il semble en fait que lui et Engels se soient ralliés à la théorie évolutionniste de Morgan qui condamnait toute forme de développement hors du modèle général53.

Pourtant Lénine reprend le terme dans Le développement du capitalisme en Russie, mais il l'abandonne définitivement en 1916 après avoir oscillé dans ses définitions du régime tsariste. Tantôt il parlera de « dictature de la bureaucratie », de fonctionnaires dressés « au-dessus du peuple muet comme une forêt sombre », tantôt de « tendances bourgeoises » ou de régime asservi aux « grands capitalistes et aux nobles », enfin, il le montra dominé par les « nobles propriétaires fonciers ». On ne peut pas faire plus embarrassé ou contradictoire ! Au niveau pratique cela explique les polémiques entre Lénine et Plekhanov au sujet de la nationalisation des terres54 et la crainte d'une re-asiatisation de la Russie dans ce cas. Cela explique aussi les « thèses d'Avril » et la nep. Lénine va constamment jouer le capitalisme contre le mpa, la « civilisation » contre la « barbarie ».

Avec Staline, il ne fut plus question que de « féodalisme » de la Chine (discussion de Leningrad de 1931 qui oppose les orthodoxes aux positions de Boukharine et Varga55) alors même que, tragique ironie de l'Histoire, Staline réalisait la collectivisation forcée de l'agriculture. Ces mêmes théories staliniennes avaient déjà été adoptées par les zélateurs du pcc dès 1928 (6e congrès) dans l'accent mis sur la lutte pour la terre en Chine. Ils repoussaient à la fois la théorie (dite trotskiste) de l'existence de rapports capitalistes dans les villages chinois et celle sur l'existence d'un mpa en Chine56.

À la différence des soviétiques qui se posèrent les questions des rapports entre mpa, capitalisme et socialisme, les communistes chinois furent plus pragmatiques et virent dans une industrialisation conduite par l'État, la base future de la puissance du régime.

Venons-en à autre chose. En fait, Marx définit le mpa comme un système de reproduction simple sans accumulation du capital sous régime de despotisme oriental. Comme le montre M. Godelier57, dans ses formes originaires, le mpa signifierait non pas la stagnation mais le plus grand progrès des forces productives accompli sur la base des anciennes formes communautaires de production et d'existence sociale. Le mpa n'implique donc pas nécessairement stagnation et despotisme. La centralisation et l'accumulation du surplus entre les mains de l'État permettent, jusqu'à un certain point, le développement des villes et du commerce extérieur. Néanmoins, en Chine, la succession de périodes de mpa et de périodes de féodalisme allait conduire à une involution du développement. Par exemple, dans l'agriculture, propriété privée, travail salarié et mécanisation de la terre ne progressèrent pas.

Notes

1 – Voir en fin d'article (page 177) les sources récentes.

2 – J.-L. Rocca, op. cit. (4e de couverture). Dans un article plus récent (été 2009), Rocca distingue parmi les sinologues qui se penchent sur l'avenir de la Chine les transitionnistes (vers l'économie de marché) et les thermidoriens (J.-F. Bayard) pour qui l'élite révolutionnaire doit composer avec les nécessités de la libéralisation économique et instrumentaliser cette dernière pour reproduire et élargir son pouvoir. Cette élite appliquerait finalement le double caractère du capitalisme : révolutionnaire et conservateur. Révolutionnaire parce qu'elle laisserait faire les économies locales et conservateur parce qu'elle maintiendrait sa main de fer au niveau central et dans son intervention au niveau mondial. Je ne peux être d'accord avec cette dernière affirmation. Les termes employés ici ne sont valables que pour une société bourgeoise et non pour la Chine actuelle. Je pense le montrer au cours de cet article.

3 – C'est d'ailleurs l'État qui a crée de toute pièce la classe ouvrière du nouveau régime. Il y avait en 1949 moins de 3M de travailleurs dans le secteur secondaire, en 1952 : 15M, et en 1978 : 70M (sources statistiques chinoises).

4 – La danwei n'est donc pas une forme pré-capitaliste de travail contrairement à ce qu'avance la revue anglaise Aufheben dans son texte sur la Chine (traduction dans le n°16 de la revue Échanges, été 2008). Le système de la danwei est plutôt une tentative de dépasser la notion d'entreprise indépendante dans le cours de ce qu'on pourrait appeler « une phase socialiste de transition », mais c'est sans doute plus difficile de le reconnaître pour un groupe qui pense la Chine comme ayant toujours été en marche vers le capitalisme. Son pendant dans l'agriculture est la « Commune populaire ».

5 – D'après de nombreux historiens d'origine marxiste comme Braudel, Marx semble n'avoir jamais employé le terme capitalisme avant 1867 !

6 – Cela s'explique par le fait que, la plupart du temps, ils ne cherchent pas à produire un travail théorique sur les concepts, mais seulement un travail d'agitation contre les déviations par rapport à la théorie originelle, par exemple contre les déviations marxistes-léninistes. Que le travail salarié « socialiste » puisse créer de la puissance sociale qui soit récupérée par l'unité supérieure au même titre que cela pouvait exister dans le servage ou l'esclavage n'est pas considéré. La fin de l'introduction de Reeve est éclairante à cet égard. Après avoir déclaré que le capitalisme était en marche en Chine, il conclut dans un dernier paragraphe que la Chine n'a pas encore réussi à résoudre la question agraire. Nous reviendrons plus loin sur cette question. C'est à cause de la nature particulière des contre-révolutions en urss et en Chine que les gauches communistes ont été incapables de reconnaître que ce qu'elles ont appelé « capitalisme d'État » était tout autre chose. Avec Staline et surtout Mao on a la construction d'un compromis historique entre forme asiatique de despotisme et socialisme.

7 – Cf. Temps critiques no 15.

8 – Cf. notre annexe sur « le mode de production asiatique ». Il est étonnant de voir que cette référence est aujourd'hui complètement passée sous silence par les sinologues critiques comme Billeter, Leys (ce dernier, pourtant fin connaisseur de la Chine, mêle sans trop de problème l'omnipotence d'une bureaucratie chinoise et le maintien des héritages féodaux, comme si la bureaucratie était quelque chose de nouveau en Chine) et Rocca. Quant aux communistes de gauche, soit comme Cajo Brendel (op. cit. dans nos sources), ils parlent de féodalisme en Chine en décalquant la révolution de 1911 sur la révolution française et la révolution russe ; soit, comme Reeve, ils s'en débarrassent en disant (p. 15) que le mpa était déjà détruit bien avant l955. La seule preuve que ce dernier en donne, c'est que le capital marchand international s'était réintroduit en Chine et que le capitalisme japonais l'avait fait par la guerre. Mais qui a dit que le mpa ne tolérait pas l'existence de capital ? La Chine impériale ne connaissait-elle par de marchands ? Au contraire, une tradition marchande en Chine est très ancienne et forte. Le problème est celui du rapport entre ces familles commerçantes chinoises et l'unité supérieure représentée par l'État. Or ce rapport entre le capital et le système politique est conflictuel et le second n'a de cesse de brimer les initiatives du premier. Ainsi, en 1717, une loi interdit aux chinois de prendre la mer à titre privé. Mais pour Reeve il n'y a pas de problème puisqu'il ne s'agit que d'un État capitaliste particulier exprimant un capitalisme collectif. Il n'y a donc plus d'unité supérieure au-dessus de la société civile et l'État n'est qu'une expression de cette société civile. Bordiga était encore plus expéditif. Puisqu'il n'existait pas de nouvelle classe exploiteuse en Chine et que visiblement, on ne pouvait y voir de véritables capitalistes, il diagnostiqua le fait que le capitalisme d'État chinois n'était qu'une expression du capital mondial.

9 – Ce fut la seule réussite du « Grand bond en avant » ; mais le coût en capital humain fut énorme, phénomène typique des grands travaux dans le mpa (le coût en vie est élevé, le coût financier est nul) alors qu'à l'inverse la mécanisation de l'agriculture ne progressa pas (Reeve le reconnaît p. 55). On ne peut mieux dire que les bases capitalistes manquent (l'industrie a été incapable de fournir camions et matériel agricole).

10 – On apprend ainsi que Confucius fut le représentant des clans consanguins et du patriarcat. C'est ça une classe pour un communiste de conseils ! On ne peut s'étonner alors de ce que furent les classes pour Staline et Mao.

11 – Simon Leys, dans Les habits neufs du président Mao, Champ Libre, 1971, s'inscrit en faux contre cette vision. Les intellectuels ont certes gagné une certaine liberté d'expression à partir de 1949, mais les « Cent fleurs » ne furent pas un mouvement qui marqua leur adhésion au système de la même façon que les Encyclopédistes français adhérèrent au programme de la révolution bourgeoise. Elle marqua le début d'une période de haine contre les intellectuels qui allait caractériser l'idéologie maoïste à l'avenir.

12 – Reeve le reconnaît quand il dit qu'en 1966, à la veille de la grcp, Liu Shaoqi chercha à imposer une réforme économique en ce sens.

13 – Mao et les autres dirigeants chinois n'ont jamais eu cette fascination pour « l'organisation scientifique du travail » pour laquelle s'enthousiasmèrent les Lénine, Trotsky et autres Gramsci. Ils campent plutôt sur les positions « asiatiques » des grands travaux de type pharaonique. « Le grand bond en avant » correspond à cette idée qu'avec la foi et les mains nues, on peut soulever les montagnes. « L'homme, le capital le plus précieux » comme disait Staline, le plus « asiatique » des responsables bolchéviques et donc le moins influencé par les modèles occidentaux.

14 – Il faut remarquer que déjà en 1946, la productivité du travail par rapport aux usines américaines y était estimée à 50 fois moins forte ! Cela montre bien les particularités du développement du « capitalisme chinois ».

15 – De nombreux ouvriers en profitèrent pour manifester aux côtés des étudiants pendant la révolte de 1989.

16 – La propriété des terres reste collective et les paysans n'en ont que l'usage. Toutefois, de nouvelles mesures leur permettent éventuellement de les louer.

17 – Source Monde Diplomatique, mai 2007.

18 – Dans la mesure où l'exploitation par l'État, des communautés agricoles de base, prend la forme d'un prélèvement massif d'une rente de produits (le but est plus une reproduction en l'état qu'une reproduction élargie. Là encore on a la persistance d'une des caractéristiques du « mode de production asiatique »), les structures de la production peuvent se stabiliser puisqu'il n'y a pas d'incitation à la naissance d'un marché.

19 – Le Monde Diplomatique, janvier 2006.

20 – Taux de croissance 2007 : 11,7% qui se décompose en Commerce extérieur : 2,6%, investissement : 4,6%, consommation : 4,7% et d'ailleurs l'investissement est de plus en plus le fait de petites entreprises tournées vers le marché intérieur (source : Alternative économique, décembre 2008).

21 – « Les luttes de classes en Chine », Socialisme ou Barbarie, n°24, mai-juin 1958. Mais il n'est pas très clair car dans le même article il va dire « que la Chine n'est pas une exception historique » (p. 37) et plus loin que « la nature de la révolution qui en 1950 a abattu le pouvoir de Tchang Kaï-chek défie en effet toutes les analyses marxistes traditionnelles ».

22 – La Chine traditionnelle a ignoré la propriété au sens bourgeois du terme. La propriété de la terre, par exemple est restée longtemps propriété de la commune puis source de revenus pour les seigneurs. Avec le transfert à l'État, la terre devînt bien public mais les paysans ou les mandarins pouvaient en avoir l'usufruit. Cela commence à changer pendant le xixe siècle avec le recul du mode de production asiatique.

23 – M. Djilas, La nouvelle classe bureaucratique, Plon, 1957, p. 55.

24 – On retrouve cela dans une sorte de « pantouflage » à la chinoise. Ainsi, non seulement des dignitaires du parti deviennent entrepreneurs mais des entrepreneurs deviennent « communistes ». D'après des chiffres officiels, sur 70 millions de membres, le pcc comprendrait 800 000 entrepreneurs indépendants soit 40% des patrons du secteur privé !

25 – Un incident est éclairant : le 23 mai, trois jeunes (un instituteur, un ouvrier et un journaliste) bombardent de peinture rouge et d'œufs le portrait de Mao qui se trouve Porte de la Paix céleste, mais ils sont pris par les étudiants présents et livrés à la police sous l'argument : « Ce ne sont pas les étudiants qui ont fait cela » ! (source : n°18-19 d'Iztok, 1990.)

26 – Ce groupe de fondation récente (première expression publique le 26 avril 1989) avance des positions sur le soutien au mouvement étudiant mais aussi sur le rôle majeur que doit jouer la classe ouvrière chinoise. Pour plus d'informations, on peut se reporter à Iztok, op. cit., p. 81-97 ainsi qu'à leurs tracts, p. 98-124). Le groupe hésite toutefois entre une critique des dérives du pcc et une véritable remise en question du régime en place.

27 – Le conflit le plus connu est celui qui s'est déroulé dans la ville pétrolifère de Daqing où la formation de Petrochina (2002) entraîna des dizaines de milliers de licenciements et où les ouvriers constituèrent un comité syndical indépendant, bloquant aussi les trains vers la proche Russie.

28 – En Chine, cette petite économie marchande a d'ailleurs une tradition plus que millénaire, mais le marchand chinois végéta aux marges de la société despotique, un peu comme les commerçants juifs du Haut Moyen Âge. En outre, le capital financier s'est développé dès les années 20 à Shanghai provoquant un développement de l'industrie au détriment des produits artisanaux locaux. Ce développement fut si rapide qu'il posa presque immédiatement les conditions de l'affrontement bourgeoisie-prolétariat dans les révoltes ouvrières de 1927. Mais après la défaite, ce capital financier qui ne connaît pas de limite par rapport à un capitalisme industriel qui souffre de la structure sociale arriérée de la Chine, domine de plus en plus ouvertement à partir d'un mouvement de centralisation bancaire. Japonais et Anglais se disputent le contrôle de tout le processus. Ce capital financier sera nationalisé en 1949 par un pouvoir qui décide à partir du Mouvement des Cent Fleurs de créer une puissance industrielle à mains nues à partir d'un « homme nouveau ». Le Grand bond en avant, puis la Révolution culturelle prendront le relais dans une folie politique qui, en 1976 (à la mort de Mao) laisse le pays exsangue. Pour dire les choses clairement, pour nous, à cette époque, la Chine n'a rien de capitaliste ni de socialiste mais relève du mode de production asiatique décrit par Marx et repris par Socialisme ou Barbarie (articles de Brune et de Lapassade). Nous divergeons seulement sur la nécessité ou non de définir une classe dominante ou dirigeante : c'est oui pour SoB avec la notion de bureaucratie, c'est non pour nous qui pensons que l'État de l'unité supérieure (État du premier type dirons-nous) ne permet pas la constitution d'une société civile et donc d'une classe dominante au sens de Marx.

29 – Sur la congruence entre la vision historique de Braudel et notre approche théorique, on peut se rapporter à notre texte Capital, capitalisme et société capitalisée.

30 – C'est le même raisonnement qui leur fait dire qu'il n'y a pas de marché dans « l'économie informelle » des pays africains.

31 – Elle ne l'a jamais vraiment été pour la Chine puisque la source de pouvoir des mandarins lettrés reposait sur la fonction exercée dans la « bureaucratie céleste » (Balasz, Gallimard, 1968), une fonction en opposition avec les intérêts des grands propriétaires fonciers et des marchands.

32 – Tous ces chiffres sont des chiffres officiels de l'État chinois, mais les chiffres de Hong-Kong sont bien plus pessimistes (cf. Rocca).

33 – Bien sûr tous les niveaux co-existent (les travailleurs jeunes et bien formés employés par les entreprises occidentales ou mixtes connaissent des conditions fordistes de production et de reproduction mais restent peu nombreux), mais il faut percevoir la tendance générale.

34 – C'est l'analyse développée par S. Ruback, dans La classe ouvrière mondiale est en expansion, Spartacus.

35 – Cette thèse est une extension au niveau international de la thèse du déversement d'A. Sauvy, pour qui les secteurs d'activité se déversent les uns dans les autres (primaire puis secondaire puis tertiaire) au fur et à mesure de l'augmentation d'intensité capitalistique et de productivité du travail propre à chaque secteur. Mais cette thèse, déjà très critiquable à partir du moment où la diffusion des nouvelles technologies touche tous les secteurs et particulièrement celui des services qui était jusque là le plus protégé, est encore plus discutable à généraliser à un pays comme la Chine. Et cela pour au moins trois raisons : le secteur industriel public ne perd pas des emplois à cause de hausses de productivité, mais à cause de conditions de production archaïques et non spécifiquement capitalistes ; les créations d'emplois par les fmn sont limitées parce qu'elles se font aux conditions capitalistiques des pays d'origine ; le secteur tertiaire est composé essentiellement de services de proximité aux particuliers et non pas de services high tech aux entreprises.

36 – J'emploie le terme uniquement comme point de repère classique pour un nouveau lecteur, mais ceux qui connaissent Temps critiques savent la critique que nous adressons à la notion.

37 – Attention, ce ne sont pas des créations nettes, mais nous n'avons guère de statistiques sur les pertes d'emplois.

38 – Les exemples du lait contaminé, des jouets à ne pas porter à la bouche et surtout des chaussures « italiennes » toxiques en provenance de la Chine montrent le peu de fiabilité de la Chine en termes de production capitaliste correspondant à des critères occidentaux ou japonais.

39 – Un mouvement entamé dans les années 90 mais qui semble déjà s'essouffler.

40 – Cf. notre dernière partie sur l'État. On ne peut pas en dire autant des politiques des pays dominants qui ne savent comment se dépatouiller d'une économie de marché qui pousse à une libre circulation des individus que les pouvoirs doivent endiguer ou contrôler sans perspective stratégique, au cas par cas (la politique des quotas de Sarkozy nous en fournit un bon exemple récent).

41 – Ce fut le cas dans la grève à l'usine n°3501 d'uniformes de l'armée pour protester contre des licenciements et qui avait pour principal meneur Zhu Rui, impliqué dans le mouvement de 1979. De même pour Yao Fuxin un des leaders du Liaoning. Ces arrestations de grévistes « dissidents » provoquent en général une remobilisation qui n'est pas à négliger dans la perspective d'une prise de conscience effective du caractère despotique de l'État chinois.

42 – Le paradoxe est d'ailleurs que « développement capitaliste » aidant, leur nombre aurait dû décliner or il est en expansion.

43 – Toutefois, nombre de nouveaux chômeurs sont d'anciens instruits.

44 – « Notre devoir est d'arrêter, de juger, d'exécuter, de réformer par le travail, et de rayer des listes de résidents tous ceux qui le méritent » (Le Quotidien du peuple du 4/09/1983) et encore : « Actuellement, la lutte entreprise, destinée à punir les criminels qui ont sérieusement mis en danger l'ordre social, est une forme spéciale de la lutte des classes » [c'est nous qui soulignons].

45 – Ces réseaux d'entraide (guanxi) ont aussi permis d'exfiltrer des protestataires chinois de 1989.

46 – C'est pour cela qu'aucun des courants politiques d'opposition ne remet en question le régime lui-même. Certains ne s'opposent qu'aux individus qui profitent de l'insuffisante législation pour imposer leurs privilèges de position ou de fonction. Ils demandent une législation à la fois plus ferme et plus appliquée et une ouverture pour une société plus libre, plus mobile. Dans cette tendance, on peut tout juste reconnaître, en filigrane, une tentative de hâter le passage du despotisme oriental au capitalisme. D'autres militent pour une citoyenneté urbaine, une sorte de démocratie censitaire qui tiendrait momentanément à l'écart les migrants et les classes supposées dangereuses. Enfin, certains insistent sur la nécessité de lier croissance économique et consommation afin de grossir la masse des « gagnants » de l'ouverture libérale avant que des conflits liés à l'accroissement des inégalités n'entraînent des troubles dommageables à la modernisation du pays. Là aussi, les familiers de la notion de mode de production asiatique reconnaîtront une volonté de réduire ce qui constitue une base du despotisme oriental, à savoir l'absence de production de biens de consommation.

Mais tous se situent dans le cadre d'une démocratie conservatrice qui permettrait de se prémunir contre tous ceux qui n'ont aucun moyen d'expression politique ou sociale et ne peuvent qu'osciller entre soumission et insurrection.

47 – En Chine, le confucianisme pratiqué par tous les pouvoirs, repose sur l'idée de Confucius selon laquelle ce n'est pas la personne qui constitue la réalité première ni même la société, mais le rapport hiérarchisé entre deux personnes (un souverain et son vassal, un père et son fils, un frère aîné et le cadet…).

48 – La sphère supérieure est assimilable au yang qui représente ce qui est unifié, ce qui est universel et la sphère inférieure au yin qui représente ce qui est désuni, le particulier, ce qui doit être organisé. Cette division empêche de penser toute séparation des pouvoirs et donc toute perspective démocratique.

49 – « La structure d'État peut être conçue comme une série de pyramides. Certaines sont fondées sur le pouvoir local, allant des villages aux sous-préfectures puis des provinces aux régions. Au sein de ces pyramides, les fonctionnaires du parti et de l'État sont placés sous les ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. […] D'autres pyramides sont celles des systèmes spécialisés basés sur la fonction. Parmi elles figurent les pyramides des régions militaires et des différentes armes, les pyramides industrielles contrôlées par les ministères, les appareils répressifs visibles et secrets, le chemin de fer avec ses millions de cheminots, le système universitaire et un certain nombre d'autres systèmes qui sont tous des structures plus ou moins autonomes, contrôlant partiellement ou totalement leur activité propre. Seul l'autocrate peut maintenir un équilibre entre les systèmes, équilibre qu'il réalise avec le plus de sûreté en en faisant le moins possible. À l'intérieur de chacune de ces pyramides se trouvent un grand nombre d'unités qui acceptent l'autorité supérieure à condition qu'elle appartienne au même système, mais qui n'acceptent pas forcément de coopérer avec des unités appartenant à d'autres systèmes. Tout cela se combine pour créer une structure profondément conservatrice, étant donné que chaque unité s'efforce de maintenir ses positions à l'intérieur de son système et que chaque système défend ses intérêts contre les empiétements des autres systèmes. […] La concurrence a donc une influence conservatrice ». (W. Jenner, The Tyranny of History : The Roots of China's Crisis, Penguin, 1992).

50 – La Chine peut s'appuyer aussi sur la tradition commerciale et entrepreneuriale des chinois de la diaspora qui ont souvent porté et développé les formes capitalistes au sein de sociétés qui ne l'étaient pas encore. Nous sommes donc dans un cas de figure différent de celui de l'ex-urss où la bureaucratie semble déboucher directement sur une oligarchie profitant des rentes pétrolière et gazière et de la spéculation sous toutes ses formes, pendant que des secteurs entiers de la nouvelle propriété privée et des échanges sont contrôlés par des groupes mafieux. L'intégration de la Russie à la globalisation mondiale est donc très marginale puisque si des liquidités partent bien vers l'extérieur et nourrissent parfois le niveau 1, l'origine de ces liquidités reste principalement le niveau 3 des richesses naturelles et particulièrement de l'énergie.

51 – On entend dire partout aujourd'hui que c'est la finance qui domine, que la finance est internationalisée, etc. Et bien la particularité de la Chine interpelle. La finance y est presque complètement nationale et contrôlée par l'État. Quand elle intervient à l'étranger comme dans le capital des grandes assurances américaines à l'origine de la crise des subprimes, c'est en tant qu'émanation directe de l'État chinois. C'est uniquement dans cette mesure que la Chine participe, elle aussi au développement et à la consolidation du secteur 1.

Encore aujourd'hui, les banques occidentales installées en Chine pour y investir n'ont pas accès aux dépôts des ménages chinois (cf. article du journal Le Monde du 16/01/2008).

52 – La contradiction avec la théorie originelle saute aux yeux puisque Marx place la question de la propriété dans les superstructures d'une infrastructure définie par les rapports de production ! Pour une analyse essentielle de cette question nous renvoyons au « célèbre » texte de Chaulieu sur les rapports de production en Russie dans le n°2 de la revue Socialisme ou Barbarie, 1949.

53 – Sur ce point on peut se référer à l'article de G. Lapassade, « Bureaucratie dominante et esclavage politique » dans le n°40 de SoB, 1965.

54 – Plekhanov avait toujours affirmé que si après le renversement du tsarisme, la social-démocratie russe procédait à une nationalisation des terres, elle n'aboutirait qu'à une restauration du despotisme asiatique. Même si l'urss industrialisée de Staline et la Chine moderne ne peuvent être réduites à ce despotisme, des ressemblances formelles n'en existent pas moins entre les bureaucraties « socialistes » et celle de l'Empire céleste.

55 – Les tenants de l'existence du mpa furent condamnés sur la base de leur défaitisme dans la mesure où ils envisageaient une stagnation des conditions et non pas un processus progressiste et progressif vers une révolution. La position dominante étant que le mpa connaît une contradiction interne entre unité des structures communautaires et de structures de classes. Dans ce schéma, le mpa évoluerait par le développement de sa contradiction vers des formes de société de classes dans lesquelles les rapports communautaires ont de moins en moins de réalité par suite du développement de la propriété privée.

56 – Le concept n'aurait trouvé qu'un seul défenseur : Qu Qiu Bai (Ch'ü Ch'iu-pai). D'ailleurs, le principal théoricien communiste chinois, Chen Duxiu (Chen Tu-hsiu) n'aborde pas la question et va se rallier, contraint et forcé, à la politique du Komintern d'alliance avec « la bourgeoisie patriote » de Tchang Kaï-chek. Ce dernier va organiser le massacre des ouvriers de Shanghai puis le Guomindang « de gauche » de Wuhan, dont le Komintern voulait faire un allié va réprimer les insurrections paysannes. Le communisme chinois ne s'en relèvera pas.

57 – Sur le mode de production asiatique, Centre d'études et de recherches marxistes, Ed. Sociales, 1974, p. 52.