Numéro 10 — (Printemps 1998)

L’État : vers le tout social
Les théories du travail dépossédées de leur objet
Le dernier bouc émissaire : la mondialisation
Les nouvelles formes de domination


Table des matières

Théorie critique ou activité critique ? / Temps critiques

Parmi les divers courants qui cherchent aujourd'hui à exprimer le moment critique de la théorie et de la pratique, ils ne sont pas rares ceux qui pensent que, depuis les « avancées » de l'École de Francfort — celles d'Horkheimer et d'Adorno et non les régressions démocratistes d'Habermas, de Fromm et de bien d'autres encore — la « théorie critique » n'a pas accompli de percée décisive. Face à cette position quelque peu nostalgique, il nous semble possible de (...)

Politique élémentaire / Loïc Debray

Dans le numéro précédent de Temps critiques, j'ai lancé un mot d'ordre : « Il est urgent de faire de la politique ». Je me suis rendu compte, tant par des interpellations, lors de débats publics, que par des remarques éparses, ou encore par le courrier adressé à la revue, que cette injonction et les thèses qui l'accompagnent commençaient à circuler en radicalisant la critique — ce qui est un de mes buts quant à l'intervention politique —, mais qu'en contrepartie elles (...)

La crise du travail exige une révolution dans la théorie / Jacques Wajnsztejn

Les critiques du travail Chez les premiers socialistes on peut remarquer une confusion constante entre les notions d'activité et de travail. Pour Proudhon, le travail doit se rapprocher d'une activité créatrice. C'est une activité humaine de tous les temps qu'on peut couler dans tous les moules économiques. Le travail est en quelque sorte un dérivé de l'activité naturelle et libre. Quant à Fourier, il insiste sur le fait qu'il faut trouver des formes agréables de (...)

Le défunt travail et le travail des fins / Philippe Coutant

1/ Nécessité de confronter plusieurs angles d'approches : — limites de la discussion strictement économique (certaines personnes affirment qu'il ne s'agit pas d'une crise économique puisqu'il y a de l'argent en quantité suffisante et que nous produisons assez de richesses pour satisfaire le bien-être des habitants de cette planète — ce qui est à vérifier et est aussi nécessaire pour se départir d'un point de vue local voire impérialiste) ; — limites de la (...)

Un regard sur la valeur / Hipparchia

Étymologie Les vocables « wert » (« valeur » en allemand) et « virtus » (« vertu » en latin) ont pour origine commune le terme indo-européen « wer » qui signifie : couvrir, protéger et, par extension, respecter, honorer, aimer. Au xie siècle en France, un double sémantisme est attesté dès les premiers emplois du vocable « valeur » (de « valor » en latin). Il renvoie « à ce qu’une personne est estimée pour son mérite, ses qualités » et aux qualités ou à l’intérêt d’une chose. Au (...)

Sur la critique de la mondialisation et ses lieux communs / Jean-Louis Rocca

Une certaine confusion règne dans les réflexions qui fleurissent ici ou là sur les caractéristiques de la période actuelle et sur le capitalisme « post-moderne » dans lequel nous vivons. Cette confusion est dissimulée en partie par un ensemble de propositions qui sont reprises sans grand changement dans des textes et des discussions qui visent à un dépassement des analyses dominantes1. Première de ces propositions : nous connaîtrions une période de « dictature » des marchés, de système (...)

Les ambiguïtés de la mondialisation / Jacques Wajnsztejn

La mondialisation comme restructuration La mondialisation ne représente pas un phénomène parmi d'autres. Elle est la forme actuelle prise par la restructuration du système de reproduction capitaliste. Elle ne se manifeste pas principalement par une internationalisation plus grande ; en effet, du point de vue strictement économique, la part des échanges de marchandises et de flux financiers des pays dominants n'est pas plus importante, en proportion du PIB, qu'elle ne (...)

Virtuel et domination / Françoise d’Eaubonne

La cascade des nouveaux termes créés par l'esperanto informatique qui a fait irruption dans le verbe courant, voisine avec ces raccourcis évoquant en français les mutilations de la nov-langue orwellienne perso, ado, info, pub, et la suite ; tout un ensemble de communications verbales dont le but semble inspirer aux aînés des contemporains qu'ils ne sont plus que des fossiles dont le souvenir est destiné à s'effacer rapidement, au mieux à s'archiver dans le musée des (...)

Corps, documents et biopolitique / Alain Brossat

« Le passeport est la partie la plus noble de l'homme » Cela commence avec une histoire de main, dans le dernier film de Chris Marker : une accro du deuxième monde s'identifie en présentant la paume de sa main à un écran, bien décidée à revivre in extenso la bataille d'Okinawa…1 Mais non, cela avait commencé bien avant : dès 1983, avec Never Say Never Again, un James Bond, où c'était l'iris de l'œil du président des États-Unis qui servait de « clé » à un (...)

Recycler l’être humain ? / Guy-Noël Pasquet

Le capital a quasiment fini de capitaliser l'ensemble de l'activité humaine extérieure, ce fut la dimension sociale et économique de son mouvement. Il lui faut maintenant capitaliser l'activité organique des hommes et des femmes, c'est-à-dire capitaliser l'homme en tant qu'espèce humaine : l'être humain. Le mouvement hospitalo-universitaire des étudiants, internes et chefs de cliniques du printemps 1996 semble poser la question suivante : qui préside au (...)

Retour sur le mouvement de grève des jeunes médecins du printemps 1997 / Yves-Michel Dusanter

La grève des jeunes médecins, internes, chefs de clinique et externes du printemps 97, contre le plan Juppé, aura reçu un accueil très réservé dans nombre de milieux traditionnellement à l'écoute des mouvements sociaux. Un accueil lié à l'ancienne identification entre le médecin et le notable, mais aussi lié à l'expression encore visible d'un certain corporatisme comme au souci de leur part de leur futur exercice libéral. Pourtant, ce mouvement jeune et neuf recélait de (...)

Chômeurs sans honte / Jacques Wajnsztejn

La lutte entreprise par les chômeurs fin décembre 97 est un nouvel épisode de la crise du travail et marque par ailleurs l'extrême fragilité du système, fragilité dont la « crise asiatique » fournit un autre exemple récent. Si la situation est explosive ce n'est pas parce que les chômeurs sont des révolutionnaires ou parce que leurs actions seraient plus radicales que celles des salariés ordinaires, mais parce qu'ils rompent avec un non dit de la démocratie dans laquelle (...)